Le Centre Pastoral Halles-Beaubourg (CPHB) a réalisé en 2000 une enquête sociologique sur la communauté des célébrations du dimanche[1]Téléchargez ici le PDF de l’enquête. Il n’y en a pas eu d’autre depuis, mais les questions et les hypothèses que posait cette étude méritent d’être relues à la lumière de ce qu’est devenu aujourd’hui Saint-Merry.
De Jean-François Barbier-Bouvet
Retour sur une enquête sociologique auprès de la communauté de Saint-Merry.
De 2000 à aujourd’hui : continuité ou mutation ?
Le public de Saint-Merry
On y rencontrait plus de femmes (59 %) que d’hommes (41 %). Cette prééminence des femmes se retrouve dans toutes les églises, mais le phénomène était sensiblement moins accentué chez nous qu’ailleurs.
Les gens venaient de toute la région parisienne : les arrondissements limitrophes (1er au 4e) représentaient à peine le cinquième de la communauté du dimanche (19 %). Les autres viennent de plus loin dans Paris (51 %) et de banlieue (24 %). La communauté de Saint-Merry n’est pas une communauté territoriale mais une communauté affinitaire.
Le public était socialement et culturellement plutôt élitaire : plus de la moitié (53 %) appartiennent aux catégories socio-professionnelles favorisées (dirigeants, cadres supérieurs, professions libérales, professions intellectuelles, etc.). Et près de neuf sur dix (89 %) ont fait des études supérieures. On est loin de la moyenne nationale ! Cet état de fait est perceptible dans les célébrations (niveau des prises de parole, centres d’intérêt, discussions à la sortie, etc.). Même si, paradoxalement, ce côté élitaire ne s’accompagne pas de positions élitistes, mais au contraire d’une ouverture reconnue par tous aux plus faibles, aux minorités, aux étrangers…
Reste le critère de l’âge. À l’époque on constatait déjà une évolution préoccupante : le vieillissement de la communauté. L’âge moyen le dimanche était de 55 ans en 2000 alors qu’il n’était que de 39 ans en 1986. La communauté avait donc pris 15 ans en 15 ans. Pourtant, la moitié des personnes interrogées en 2000 ne fréquentaient pas le CPHB en 1986. En d’autres termes, les partants n’ont pas été remplacés par des plus jeunes, mais par des gens du même âge que ceux qui restaient. La « culture Saint-Merry » tend à devenir une culture de génération, ce qu’elle n’était pas au départ. Même si on peut faire l’hypothèse que la vitesse de vieillissement s’est sans doute ralentie depuis (sinon la moyenne d’âge serait de 76 ans aujourd’hui !).
Autre caractéristique de notre public : une fréquentation dominicale très souple. Les assidus, qui viennent tous les dimanches, représentaient un peu moins de la moitié des participants. Les intermittents (un dimanche sur deux environ) pesaient pour un quart, les occasionnels (un dimanche sur trois ou quatre) et les participants accidentels (plus rarement) comptaient pour un peu plus de 10 % chacun. Cette liberté est à la fois une richesse, et sans doute une difficulté pour le fonctionnement du CPHB.
Permanence et renouvellement
Le principe et la mise en œuvre de la coresponsabilité prêtres/laïcs — au cœur du projet — étaient clairement perçus par près de 80 % de la communauté et s’incarnaient concrètement dans ses élus : la majorité des participants aux célébrations du dimanche connaissait un ou plusieurs membres laïcs de l’équipe pastorale, qu’ils aient eu ou non des activités avec eux. Le CPHB est une communauté dont le centre est proche de la périphérie. Au moment de la création du CPHB, la coresponsabilité s’inscrivait dans un mouvement dont on pensait qu’il allait se développer et s’étendre dans l’Église. La suite prouva que non. D’église pionnière, Saint-Merry devint progressivement église minoritaire. Puis marginale. Puis… ?
Parmi les nombreux points de la liturgie qui étaient évoqués lors de l’enquête, deux étaient particulièrement appréciés : les prises de parole des laïcs au micro, et la création de textes originaux pour la prière eucharistique, c’est-à-dire, dans l’un et l’autre cas, le primat du verbe sur le rituel. La culture de la parole et de l’oralité était la marque forte de Saint-Merry. Cela n’empêchait pas la montée d’une demande pour plus de silence, de recueillement, de spiritualité (33 %). Demande qui révélait un réel déplacement de la sensibilité de la communauté : ce désir d’intériorité n’était pas une alternative à la culture actuellement dominante de la parole et de l’intervention sociale, mais un souhait de rééquilibrage, une aspiration à développer d’autres dimensions. Qu’en est-il aujourd’hui ?
En 2000, plus de vingt ans après sa création, le CPHB était toujours considéré par la grande majorité de ses participants (75 %) comme une communauté originale très différente des autres paroisses. Mais différence ne signifie pas nécessairement renouvellement : on peut être différent vis-à-vis de l’extérieur, et se répéter à l’intérieur, c’est-à-dire par rapport à sa propre histoire. Une personne sur trois (32 %) pensait que le CPHB se répétait déjà, et 42 % qu’elle ne se renouvelait qu’un peu. Cette question du renouvellement reste plus que jamais d’actualité. La fidélité aux origines n’est pas une fidélité aux formes, mais une fidélité au sens. Au cœur de ce sens, il y a toujours eu le changement.
Stop ou encore ?
Par une curieuse prémonition, l’enquête de 2000 demandait aux membres de la communauté ce qu’ils feraient si Saint-Merry s’arrêtait. Toutes les réponses méritent d’être citées : j’irais dans une autre église qui me plaît (57 %), j’irais dans la paroisse de mon quartier (13 %), je n’irais plus nulle part (8 %), je participerais à la création d’une nouvelle communauté (15 %), auxquelles s’ajoutent ceux qui ne savent pas (7 %).
Ce qui n’était qu’hypothèse est hélas devenu réalité. Il est clair que la majorité des gens ne voulait pas retourner dans le moule paroissial. Espérons que ceux qui se disaient prêts à participer à la création d’une nouvelle communauté seront au cœur de sa nouvelle refondation « hors les murs ».
Jean-François Barbier-Bouvet
Notes
Ton analyse me convient tout à fait, Jean-François, merci pour ce travail et l’ouverture pour l’avenir, une grande espérance, dans ce nomadisme chemin de l’Evangile. Jacqueline Casaubon
Merci pour cette analyse tout à fait intéressante, Jean-François!