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Synodalité : passons à la pratique 

Les réflexions des groupes Synodalité ont été très riches. Certaines valent pour l’Église toute entière, d’autres interrogent directement
le projet renouvelé de Saint-Merry Hors-les-Murs. À l’heure où nous voulons imaginer la future feuille de route à proposer à notre évêque, pouvons-nous faire nôtres les idées nées dans ces groupes et les transformer en recommandations et en paroles vivantes ?
Sans chercher l’exhaustivité, on pourrait retenir cinq orientations,
avec à chaque fois des questions en suspens.

Ouverture et invention : comment ajouter l’humilité à notre ADN ?

Les comptes rendus des groupes décrivent clairement l’origine de Saint-Merry Hors-les-Murs, lieu d’ouverture dans la cité et d’invention dans l’Église. C’est son ADN, pourrait-on dire, qui la situe dans la partie « progressiste » de l’Église, profondément conciliaire et cohérente avec la vision du pape François. « L’évangile dans la ville » fut notre phrase emblématique malgré le contexte de désespérance, de déchristianisation et d’évacuation du religieux.

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La synodalité en actes suppose l’écoute, le partage, le dialogue et la fraternité. Cela ne va pas sans difficulté tant en interne qu’en externe. Les événements de 2020 et 2021 ayant conduit à la « fermeture » du Centre Pastoral ont montré qu’incarner et vivre cette fraternité n’est vraiment pas évident et les paroles des groupes font écho à cette prise de conscience.
La culture du dialogue n’est pas contradictoire avec celle de l’ouverture et de l’innovation, encore faut-il éviter de prétendre à une « vérité unique », ce qui a pu parfois être reproché à Saint-Merry. 

Refuser le « eux contre nous » et choisir le « nous tous ensemble » : en défendant fermement nos options, nous voulons être affinitaires sans risquer d’être sectaires. Comment faire signe et faire sens dans un monde qui ne nous attend pas forcément, comment aller vers des chrétiens qui vivent différemment leur foi avec qui le dialogue parait difficile, voire impossible ? Comment accepter que l’Évangile n’ait pas qu’une seule interprétation « juste » ? Il n’y a pas qu’un seul modèle de vie en Église. Il n’y a pas non plus qu’une seule tradition spirituelle, ont dit certains groupes. Ils ont appelé de leurs vœux une Église humble en soulignant combien il était vital de discerner ensemble
ce qui la rassemble.

À notre niveau, n’avons-nous pas d’abord à imaginer
une communauté fondée sur la non-certitude,
la conscience de ses limites et, à titre essentiel, sur l’humilité ?

Groupes et réseaux : comment approfondir le lien communautaire ?

Pour une dynamisation par la base, une Église fondée sur de petites communautés a semblé une évidence. En conséquence, le partage de la Parole en actes sous différentes formes et pas seulement lors des célébrations doit être au cœur de notre vie en communauté. 

D’où l’importance de l’identité atypique de Saint-Merry : son originalité est en effet la participation quasi-généralisée de ses membres à des groupes divers d’action, de pastorale, d’échange ou de partage. Ces groupes sont à géométrie variable, parfois éphémères, sans être uniformes, et ils se réunissent pour célébrer. Tout cela fait de Saint-Merry Hors-les-Murs une communauté différente des paroisses ou des autres mouvements apostoliques. Le développement de la « toile numérique » (site, réseaux sociaux, réunions en visio à distance) donne une autre dimension à notre Communauté. Elle lui offre la possibilité d’élargir son rayonnement vers d’autres groupes centrés sur l’Évangile et célébrant ensemble.

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La lettre de mission de 1975 nous attribuait une raison d’être : inventer des modes nouveaux pour l’Église de demain. Aujourd’hui, cette mission nous semble plus que jamais pertinente et originale : elle dépasse le modèle paroissial sans le contredire et le modèle des mouvements, « maisons d’Église » et autres communautés déterritorialisées sans nier leur riche expérience. Il nous revient de faire l’effort pour la traduire en propositions concrètes plus accessibles à tous ceux qui le désireraient. 

Saint-Merry Hors-les-Murs n’est pas une communauté de vie au sens des Actes des Apôtres 
(2, 44-47) : « Tous ceux qui croyaient étaient ensemble et ils avaient tout en commun ». Elle est une communauté fondamentalement ouverte à d’autres et au monde. Sa vocation à se rendre solidaire d’autres implique le respect, la communication bienveillante et une gouvernance démocratique. Mais le lien communautaire ainsi tissé risque toujours de s’affaiblir s’il n’est pas nourri par la convivialité, la joie des échanges et des retrouvailles, l’intensité des événements vécus ensemble
et le sentiment de chacun d’être nourri. Autant d’engagements à renouveler et raffermir dans notre projet ? 

Par quelles propositions concrètes allons-nous rendre plus visible
le caractère atypique de Saint-Merry Hors-les-Murs ?
Comment allons-nous nourrir le lien communautaire ? 

Recherche commune et langage rénové :
comment respecter la diversité ?

Le désir d’une recherche commune et d’un langage rénové est frappant. L’Église peut et doit réviser son langage pour redevenir audible dans la cité au XXIe siècle et pas seulement en matière de liturgie. Pour les « chercheurs de sens » comme pour les chrétiens, dans le monde d’aujourd’hui, l’Évangile n’a rien perdu de sa fraîcheur et de sa pertinence. Encore faut-il le partager avec des mots, des signes et des références intelligibles pour nos contemporains, pour que la foi reste connectée au quotidien de notre monde.

Cela se traduit concrètement par la demande de favoriser la créativité liturgique dans l’Église. C’est bien ce que nous expérimentons déjà. Mais l’accent a été mis aussi sur l’invention d’autres formes de rencontres autour de la Parole, notamment en visio, et sur la réactivation d’assemblées sans prêtres. Cette créativité est d’évidence consubstantielle à notre projet : il y a toujours à faire. 

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Saint-Merry Hors-les-Murs doit être un lieu de recherche commune, une plateforme de ressources de sens, une invitation à l’intelligence de la foi, une offre de formation-découvertes partagées, peut-être un laboratoire d’idées, d’images et de représentations. De nombreuses références éclairent nos cheminements individuels et collectifs. Mieux les mettre en valeur serait une chance pour notre communauté. Offrir la possibilité d’autres formes de rencontres donnerait de la chair à nos recherches : études en petits groupes de textes récemment publiés, rencontres de personnes ou groupes ayant d’autres expressions spirituelles ou artistiques. Ce type de propositions pourrait rencontrer une demande large dès lors qu’elle ne trouve pas l’équivalent ailleurs.

Avec la grande diversité des croyances, y compris au sein même de la communauté,
le défi dans cette recherche est de respecter le rythme et les questions de chacun.
Comment laisser de la place aux doutes et aux expressions sensibles les plus timides ?
Comment favoriser l’éveil des consciences individuelles et l’élaboration de paroles faisant sens
sans pour autant figer les parcours personnels dans un cadre à penser, ou un élitisme
qui reproduiraient en définitive les pires dérives doctrinaires ? 

Comment marier la modestie d’une réflexion à partir du vécu quotidien
avec l’ambition d’une recherche spirituelle plus construite ?
Peut-être dans la formulation du projet faut-il évoquer davantage
la fertilisation croisée plutôt que l’expérience de laboratoire,
davantage la ville et la lisière des champs que les étoiles ?

Présence au monde : comment vivre la mission ?

L’état d’esprit synodal est d’abord celui de l’accueil inconditionnel et de l’hospitalité. Cela va avec l’importance du compagnonnage avec d’autres, de l’agir collectif en solidarité et de la présence aux périphéries. Cela vaut pour toute l’Église, à commencer par notre communauté. Beaucoup y a été fait : la place donnée à l’art contemporain, la présence sur les réseaux sociaux en passant par les divers groupes de solidarité. Ce n’est pas une option mais une exigence évangélique. 

Mais la déclinaison de ces principes en orientations lisibles reste un peu floue. Dans la parabole du Bon samaritain, la question n’est pas de savoir qui est notre prochain, mais si on choisit ou non de se faire proche de cet autre-là si différent et comment. Qu’entend-t-on par « périphérie », quel type d’accueil ou de présence adaptée organise-t-on en conséquence ? Le mot périphérie ne plaît d’ailleurs pas à tous, il évoque aussi bien les « paumés » existentiels qui cherchent un lieu d’écoute, de secours et d’espérance ; les « exclus » d’une société trop injuste, trop inhospitalière ou trop centrée sur elle-même qui demandent soutien et aides ; les « rejetés » de l’Église ou simplement les chercheurs de sens, etc. 

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Comment la communauté vit-elle alors son fil directeur accueil-hospitalité-solidarité ? Miser sur la musique et l’art contemporain pour entrer en dialogue ? Organiser des événements comme la Nuit sacrée pour toucher les jeunes générations ? S’engager dans la création d’un tiers-lieu d’accueil convivial ? Quel type de présence avoir sur la toile : réactions à l’actualité, réflexions de fond, articles pédagogiques et décryptages, controverses ?
Quel type de dialogue interreligieux on inter-convictionnel nouer ?

N’est-ce pas l’idée même d’une mission qu’il faut travailler et interpréter ? Nous n’adhérons pas à la mission consistant à convaincre autrui de se convertir et nous ressentons même une certaine pudeur face à la mission de témoignage. Notre vocation communautaire serait-elle plutôt de partager la parole au-delà de nous-mêmes, de coproduire du sens avec nos compagnons de route eux-mêmes, de faire avancer le Royaume en nous et d’habiter autrement le monde ? 

Comment être porteurs d’une fraternité attentive aux cheminements
et aux souffrances d’autrui si ce n’est en vue de construire la maison commune ? Comment inscrire dans l’incarnation de notre projet
l’ambition de la fraternité intégrale, de la conversion écologique
et de la justice sociale promue par le pape François ?

Coresponsabilité et ministères : comment interpréter l’autorité ? 

Le « faire » passe par la refonte de la gouvernance et des ministères. Nous voulons mettre en application l’ecclésiologie de communion et la théologie du peuple de Dieu voulues par la Concile Vatican II, sortir du cléricalisme qui n’épargne personne et du patriarcat qui exclut les femmes. Il s’agit de restaurer la confiance, l’authenticité et la cohérence entre la parole et les actes. Cela concerne au premier chef l’institution Église, mais comment porter cette ambition, ce désir, dans la communauté et dans son projet ?

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Saint-Merry Hors-les-Murs a une belle expérience de la coresponsabilité prêtre-laïcs. On en a vu la richesse mais aussi les limites, lesquelles n’étaient pas seulement liées à la personne ou la personnalité du prêtre. La réflexion sur la synodalité témoigne d’une prise de conscience de nos maux malgré un « inventaire » certainement inabouti. La violence est nommée, la plaie des conflits est ressentie, mais comment aller plus loin ? Comment poursuivre l’expérience dans la coresponsabilité entre laïcs (avec le prêtre) non plus seulement entre prêtre et laïcs ? Comment faire en sorte qu’elle produise de l’unité dans le respect de la différence de chacun, et non plus de la division ? Autrement dit : qu’est-ce qui fait autorité dans une communauté comme la nôtre, une fois admis qu’elle n’est liée ni au pouvoir ni au dogme et qu’elle n’a pour source que l’authenticité du service évangélique ? 

Dans les travaux des groupes synodalité, la spécificité de la mission confiée aux prêtres par leur ordination a été moins souvent analysée que le décalage de leur statut sacralisé avec les dérives mises récemment en évidence. Le prêtre n’est-il pas l’artisan de l’unité intracommunautaire, le signe de la communion avec l’Église et sa tradition, le rappel que la mission qui nous est confiée vient d’un Autre et l’invitation au partage eucharistique, comme l’évoquait Yves Congar en son temps ? Autant de questions à approfondir à l’occasion du renouvellement de notre projet ? 

Nous demandons la séparation du spirituel et du temporel :
comment organiser cela dans le statut et le fonctionnement de la communauté ? Nous souhaitons des prêtres « passeurs » qui accompagnent
et non plus des « prêtres pivots » qui s’entourent de fidèles :
comment allons-nous nous assurer qu’ils feront partie de la communauté
dans le respect de leur spécificité et comment organiser
notre participation à leur désignation ?
Nous appelons de nos vœux des nouveaux ministères laïcs
en fonction des charismes et des besoins ressentis à la base :
comment les définir et les reconnaître ?

Jacques Debouverie et Jean-Baptiste Morin

Nota : Ce texte n’est ni une synthèse, ni un résumé des idées et questions remontées des groupes Synodalité. Il n’engage que ses auteurs. Il propose un questionnement visant la mise en cohérence de notre projet renouvelé avec certaines recommandations des groupes Synodalité.

Pour lire l’intégralité des contributions de Saint-Merry Hors-les-Murs, cliquez ici

CategoriesSynode
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Jacques Debouverie

Ingénieur-urbaniste de métier, conseil auprès des collectivités locales et formateur. Responsable associatif dans le domaine du droit au logement des jeunes. Participant de la communauté de Saint Merry depuis les années 80, en équipe à la Mission de France. Père de famille et diacre.
Parmi ses publications "Dieu vu du bas - lettres à des amis de tous bords", Editions Futurbain, 2020.

  1. Monique Pouchet
    Monique Pouchet says:

    J’ai à peu près tout lu, aussi bien l’article que la synthèse du travail, très riche. Je n’ai pu y participer, ne vivant plus en France depuis 1994, mais ces dernières années, j’ai beaucoup suivi ce qui s’y vit, et aussi au CPHB dont j’ai été membre active plusieurs années, en particulier à l’équipe accueil, et l’équipe rue. C’est une communauté dont je n’ai pas trouvé l’équivalent, quant à la démarche de « synodalité », collégialité, coresponsabilité, accueil, ouverture, et d’une liturgie confrontant la Parole et la vie avec ses singularités et défis “ici et maintenant”. Elle est donc déjà bien préparée et avancée pour la démarche actuelle.
    Cependant, il me semble, à lire la synthèse, qu’elle n’évite pas certain écueil propre a l’engagement, ou difficilement évitable à moins d’un profond discernement « panoramique », mais justement cette synthèse fournit la base pour le voir, et que j’avais déjà rencontré il y a presque 30 ans.
    Cet écueil a, en fait, je pense, sa source dans le mystère même de l’Évangile- je veux dire que la gratuité qui en est le centre, mais à laquelle nous sommes rétifs (péché originel) – elle nous fait accorder trop d’importance à notre propre action pourtant indispensable.
    Je remarque, préalablement, qu’il est plusieurs fois parlé du “message”, parfois au pluriel, de l’Évangile ou des évangiles, alors qu’il est souvent fait allusion à une pluralité de perceptions, même de “croyances”.
    Et par exemple, ceux qui dont le plus à l’opposé de la démarche actuelle le sont “au nom du message de l’Évangile”.
    Cela pose une question.
    Il me semble donc que cette expression demande d’être plus explicitée.
    Et ce d’autant plus que cette démarche, et tout ce qu’elle comporte et implique ne serait rien sans, je ne dis pas le message, mais la réalité de l’Évangile et de l’appel qu’il constitue.
    Car le problème justement, de parler de message, c’est qu’on entre dans tout un tas de complications, d’interprétations, d’appropriations, et d’idéologisations : est-ce cette pluralité saine dont on parle, ou est-ce Babel, ou les deux ? (car beaucoup de que nous jugeons bon: comme la pluralité, la créativité, etc., ne peut non plus être un absolu), et l’Évangile est un défi mais il est extrêmement simple: Ta Parole illumine et les simples comprennent. Du reste, selon l’expression de Marc, l’Évangile c’est Jésus Christ.
    Ça a un rapport direct avec les quelques réflexions que je partage avec vous : en me limitant à accueil de l’Autre (de l’autre), communion (entre parenthèses je ne comprends pas pourquoi pas union ou unité, le foie et le cerveau sont différents, et pourtant les organes ont une union qui compose une unité), fraternité, et j’ajouterai une participation personnelle, un thème non abordé.
    Tous ces thèmes ont quelque chose en commun, qui est aussi au cœur, pour moi, de l’Évangile, et c’est là l’écueil : la pauvreté- à laquelle on peut joindre l’humilité.
    Jacques Loew, parlant de l’humilité au sujet de Moïse, la définissait ainsi : être qui (ce que) on est. Ce qu’on est, chacun, c’est, une créature essentiellement pauvre, mais ne veut pas l’être. C’est pourquoi Jésus dit que la clé du Royaume est quelque chose d’impossible à l’homme : la pauvreté, et que pour nous en sauver, il a dû renoncer à tout ce qui était sien, entrer dans la mort qui était nôtre, pour que nous recevions la possibilité d’être pauvres et ainsi pouvoir recevoir la vie, qui est sienne.
    C’est en cette réalité que nous sommes frères, et frères de toute la Création, chacun à sa place dans le même projet d’amour. C’est pourquoi François d’Assise, aussi par exemple Charles de Foucauld, qui ont vécu le mystère de la pauvreté sont devenus des frères universels.
    Et la communion est fondée sur elle.
    L’écueil que je remarque, donc, c’est que toutes les réflexions et propositions partent d’un « moi », d’un «je » : qu’est-ce que je (ma communauté, mon Église) peux (dois) faire. Or je crois que la pauvreté, c’est de partir de l’autre (Autre).
    L’impression globale est d’un peuple “riche” qui doit s’ouvrir aux “pauvres”. Et en un sens, il en est ainsi : il est riche et veut s’ouvrir aux pauvres. Puisqu’il y a des exclus, des marginalisés, des pauvres de pauvretés inacceptables, accepter cette situation n’est pas acceptable pour un chrétien : le Christ nous a dit qu’il est chacun d’eux.
    Mais il y a un contresens : on ne peut s’ouvrir aux pauvres que comme le Christ, en étant pauvre soi-même ; car c’est eux le Christ. Et comme on ne l’est pas (encore) on ne peut aller vers eux qu’à genoux : d’abord pour demander pardon, puis parce que, même sans peut-être le savoir (et il est vrai qu’on peut être pauvre avec une mentalité de riche), ils détiennent un secret dont tous nous avons besoin, la réalité du dénuement et de l’impuissance, et parce que le Christ, en eux, nous attend.
    Remarque : si on ne part pas de l’autre, “l’aide” (qui est un dû) ne sera pas vraiment fraternelle, elle sera l’apport d’un riche selon sa propre conception et ne donnera pas à l’autre sa place : je fais ça pour toi, toi sois donc ce que je peux attendre de toi.
    Demander pardon : Dieu dit (Dt 15, 4-5) Il n’y aura pas de pauvres parmi vous. S’il y a des pauvres, c’est que vous n’aurez pas gardé ma parole. La pauvreté, en toutes les nécessités fondamentales pour la vie physique, en société, et la dignité, est fruit d’une iniquité. En elle, c’est aussi le Christ qui a été frappé d’injustice.
    Et c’est là que je fais mon ajout personnel. Cette sorte de pauvreté, l’exclusion qui en découle, avec toutes ses conséquences, et parfois aussi la produit ; les pauvretés nées de la recherche de profit ou de domination, qu’elles soient individuelles ou collectives et fruit d’actions individuelles ou collectives, proviennent des “structures de péché” :si vous êtes fidèles à ma parole, il n’y aura pas de pauvres parmi vous. Et : Qu’as-tu fait de ton frère?
    Actuellement, nous vivons sous une hégémonie politico-économique qui est fondée sur l’exclusion et éventuellement l’élimination, de tous ceux (individus, ethnies, pays, etc.) qui ne concourent pas utilement su projet global ; considère tout être vivant comme un moyen ; et use de la plus subtile manipulation pour y faire adhérer tous ses membres actifs. C’est la négation absolue de la fraternité (et de bien d’autres choses, mais c’était notre angle de vision).
    Face à ce péché qui est une négation du Royaume, une négation de la fraternité essentielle, j’estime que ce n’est pas une option que s’en occuper ou pas : le Décalogue, et nombre des commandements qui s’y rattachent sont, non d’abord un code moral, mais une sorte de charte politique fondée sur la fraternité et la communion des pauvres, fruit du projet de Dieu. Pour le peuple juif, pour qui le peuple est “la personne principale”, c’était une évidence. Dans cette société, le plus petit avait toute sa place, l’inclusion était une obligation, et il ne devait y avoir aucune domination, ni violation du droit d’autrui et d’abus, et personne ne devait manquer de l’essentiel. C’était un but, et la cause : parce que je suis Dieu, qui vous ai libérés de l’esclavage, la domination, les abus de Pharaon.
    En lui aussi se fonde le service, tant du gouvernement, que sacerdotal, et je crois donc que les problèmes qu’on rencontre dans l’Église ont là leur source.
    Les croyants en “le” Dieu de la Bible, a fortiori les chrétiens, ne peuvent prendre leur parti d’une structure politico-économique fondamentalement injuste et opposée au projet de Dieu. Si on ne s’y oppose pas, on devient, pour le moins, complice de ce péché. Tu me l’as fait. Tu ne me l’as pas fait.
    Je crois que cette perspective fait de l’étude sérieuse et sans préjugés de cette réalité une mission nécessaire. Elle peut aussi éclairer la mission : d’une part peut-être, doit-elle commencer en nous et entre nous.
    Mais ne s’agirait-il pas d’abord, quand notre richesse de toutes sortes a appauvri l’autre, et d’abord notre richesse en “ vérité”: Le Christ est la Vérité, ça ne signifie pas que nous la détenions, surtout si cette Vérité est l’Amour et inclut notre pauvreté essentielle, de reconnaître l’autre réellement comme un frère, de faire ce qu’on ferait pour un frère: s’il est exclu d’une exclusion quelconque, faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’elle disparaisse; annoncer notre propre indigence et esclavage en même temps que nous en sommes sauvés, libérés.
    Concrètement, deux propositions : l’une, que j’ai vue, esquissée, dans la synthèse : sortir de notre “maison”, et aller, à deux (à trois s’il le faut), là où on ne serait plus chez nous, mais chez eux ; là où on apprendrait d’eux qui ils sont ; où on s’étonnerait et arriverait peut-être à croiser le regard de Dieu sur eux; et on dirait seulement qui on est. Ils accepteront peut-être, veux aussi, de sortir pour nous rencontrer où on est.
    Je n’invente rien : c’est à peu près la démarche auprès des personnes en situation de rue, que j’ai connue dans l’association Aux captifs la libération, du vivant du frère Patrick Giros, mais elle peut s’appliquer à tout monde “autre”.
    L’autre, je pourrais la communiquer si ça intéresse. C’est un projet que j’ai appelé : “Pas sans mon frère”, contre l’exclusion. A vrai dire, l’idée originale était qu’elle puisse couvrir toute la France. Il s’agirait donc peut-être d’essayer sur un petit territoire, et si ça marche, de lancer un appel pour pouvoir l’étendre.
    Monique Pouchet

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