Je souhaite aujourd’hui rendre hommage à sœur Marie-Pierre Faure, décédée à 94 ans le 7 septembre dernier. Cistercienne au parcours atypique, femme libre, écrivain, poète et auteure d’hymnes magnifiques, elle faisait partie de la CFC (Commission francophone Cistercienne) pour la section chant. Elle m’avait invitée à rejoindre leur équipe et ce fut un vrai bonheur de la côtoyer.
Les deux textes joints donnent un aperçu de sa personnalité pleine d’humour, de profondeur, à la foi vive.
Christine Barbey
Testament d’une cistercienne
En songeant au gai petit cimetière
Mes sœurs, s’il vous plaît,
Laissez mon œil droit ouvert,
Ne tassez pas trop la terre,
Ne baissez pas trop mon voile,
Que je puisse apercevoir
Un brin d’aurore,
Un brin d’étoile.
Quant au gauche, fermez-le
Pour signifier que je veux
Rendre enfin plus silencieux
Mon regard.
Mes sœurs,
Ne me joignez pas les mains.
Mettez la gauche sous la nuque ;
Il est temps que ma tête
Repose sur une paume ouverte.
Mais la droite
Posez-la sur mon cœur :
Au jour fameux
— dies irae, dies illa —
Je le sentirai bientôt,
Étonné, battre à nouveau.
Mes sœurs, bien sûr,
Joignez comme il sied,
Mes deux jambes, mes deux pieds.
Mais que l’un cependant
Soit un peu plus haut :
Je serai plus prompte au saut,
À la danse et au bond
Quand m’appelant par mon nom
Dieu viendra sans façon
Me tirer de ce trou-là.
Marie-Pierre Faure
Si tu n’étais pardon
Si tu n’étais
Pardon toujours offert,
Et si ton Christ
N’avait pour l’homme autant souffert,
Serions-nous là, pleins de confiance,
Portant les marques de l’errance
Mais revenus vers ton silence ?
Si tu n’étais
Pardon toujours offert.
Si tu n’étais
L’amour au cœur blessé,
Tel que ton Fils
Sur une croix nous l’a montré,
Oserions-nous te nommer Père,
Lever nos fronts vers ta lumière,
Nous qui ne sommes que poussière ?
Si tu n’étais
L’amour au cœur blessé.
Si tu n’étais
Celui qui tend la main,
Et si Jésus
Ne venait rompre encor le pain,
Donnerions-nous un peu du nôtre,
Pourrions-nous croire que le pauvre
Sera premier dans ton Royaume ?
Si tu n’étais
Celui qui tend la main.
Si tu n’étais
La joie de l’univers,
Si ton Soleil
N’avait brillé dans notre hiver,
Aurions-nous part à ta jeunesse,
Marcherions-nous quand le jour baisse
Et que l’angoisse nous oppresse ?
Si tu n’étais
La joie de l’univers.
Et si toi seul
N’étais toujours nouveau,
Si de toi seul
Ne rayonnait l’Astre d’en-haut,
Si ton matin n’allait renaître,
Si parmi tous les chants de fête
Ta voix n’était la plus secrète,
Serais-tu Dieu,
Toi seul, toujours nouveau ?
Marie-Pierre Faure
Merci, cela aurait été dommage de passer à côté de ces témoignages; je sais que la Queen avait tout réglé pour ses funérailles, mais je découvre ici l’originalité, la foi profonde et l’humour de cette femme !
Testament d’une cistercienne, merci Christine. J’ai surtout apprécié le premier texte. Simplicité qui nous conduit à l’essentiel par l’humour. Super. Jacqueline
Merci, Christine, de cet hommage qui reflète bien notre Marie-Pierre.
Dominique