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L’avenir : une histoire d’amour

Guy Aurenche propose quelques échos personnels suite au débat
« Aimer l’avenir en dépit de tout » du 1er décembre 2022.

Pour qu’avenir et amour s’embrassent

Dans le cadre d’une réflexion face aux crises que traversent le monde et l’Église, pas question de se morfondre en désolations n’y d’en rajouter dans le procès contre la société ou l’institution ecclésiale. Il faut prendre un peu de hauteur. Quoi de mieux que de trouver du souffle dans la Bonne nouvelle, de permettre qu’amour et avenir s’embrassent ?
Christine Pedotti, l’une des intervenantes, a publié avec Anne Soupa un livre vif et fécond : Espérez ! Manifeste pour la renaissance du christianisme (éd. Albin Michel). « Le monde ne sait plus parler d’avenir ». Pourquoi l’Église se raccrocherait-elle aux vestiges du passé alors que la parole chrétienne est toute vibrante d’espérance ? Comme il y a 2.000 ans sur le chemin d’Emmaüs, rendre « tout brûlant » le cœur de nos contemporains et nous remettre en route !

Révélations au cœur des effondrements

Éric Morin, bibliste, présente les récits d’apocalypse dans la Bible comme des « révélations » en période de catastrophes. Ces drames, prenons-les au sérieux sans en devenir prisonniers. « Les jeux ne sont pas faits ». Le message central : « C’est bien la lumière qui l’emporte à la fin ». Non pour nous inviter au fatalisme ni à la paresse mais pour stimuler et « ajuster » notre responsabilité et nos choix ; comme durent le faire les premières communautés chrétiennes qui connurent très vite des épreuves ! Nos prédécesseurs ont vécu l’évènement extraordinaire de la présence du Christ, l’avènement du « Royaume ». Les temps étaient venus ! Comment vivre, encore, l’avenir ? Ils découvrirent que le règne ne pouvait être enfermé dans un seul instant ni dans un code moral ou ecclésial : « On ne possède pas le Royaume, on le reçoit », dans la durée. Nous sommes invités à le vivre à la fois dans l’expérience personnelle de la présence confiante du Christ, et dans chaque moment d’éternité de l’existence. La question de la fin des temps invite à la responsabilité. « Il y a un temps pour tout » et chacun de ces moments de vie est à relier à l’éternité heureuse, à accueillir.

L’alliance, au cœur de nos peurs

Si tout est bien qui finit bien, pourquoi s’inquiéter de l’avenir et tenter de l’aimer ? Il est, pour les chrétiens, promesse d’alliance. « Espérer le Royaume c’est déjà le royaume. La promesse nous révèle que l’histoire ne finit pas mal. Nous n’allons pas au néant ». Non pour rassurer ses contemporains, mais les inviter à se tourner vers l’avenir, Paul affirmait : « Nous avons déjà, en nous, l’esprit qui a ressuscité le Christ ». Il est difficile de décrire « les cieux nouveaux, la terre nouvelle » ; ceux-ci sont vivifiés par la présence de Dieu qui fait alliance. Il l’a promis. La « bienheureuse espérance » n’est pas un slogan rassurant mais une invitation à orienter notre existence et nos choix vers ce que nous découvrons peu à peu de cette promesse : les aveugles voient, les boiteux marchent, les enfermés sont libérés… Aimer l’avenir devient possible en construisant une société, une Église de fraternité. En déployant « notre capacité à vivre en fraternité, dans la traversée de nombreux déserts ». En gérant la tension entre l’incontournable inquiétude qui nait du présent et la capacité à ne pas s’y enfermer. Le défi n’est pas celui de l’insouciance mais de la créativité, de l’émerveillement devant tant d’initiatives qui créent du lien. Oui aimer l’avenir en tissant des liens, en accueillant le projet d’alliance !

Et l’Église dans tout cela ?

Les « modèles » d’Église ont souvent changé. Que sommes-nous capables d’inventer aujourd’hui pour animer la communauté chrétienne et l’aider à partager la Bonne nouvelle ? Si les scandales actuels atteignent les « fonctions premières » de l’institution, ils sont aussi l’occasion de reposer la question desdites fonctions. Comme le firent courageusement les évêques lors du concile Vatican II, bousculés par des interpellations non programmées au départ. Quelles sont les missions premières pour aujourd’hui ? Cette interrogation radicale effraie certains mais elle fut souvent, dans l’histoire, chemin de créativité dont il faut avoir le courage … et l’intelligence. Comment « retrouver la fougue imaginative » qu’inspirent la promesse et l’alliance dont Dieu se fait le garant ? Le pape François à travers ses Lettres Laudato Si’ (notre place dans la nature) et Fratelli Tutti (la dynamique fraternelle en temps de mondialisation éclatée), fournit une réflexion solide, partageable avec tous, pour cheminer « ensemble ».

Toujours en à-venir

La Bible raconte l’histoire d’un peuple nomade, sans cesse désireux de s’installer mais toujours dérangé dans ses projets. La vie du Christ en est l’illustration, lui qui n’avait pas pierre où poser sa tête. Il ne s’agit pas de « colmater des ruines institutionnelles » mais de vivre la joie de partager cette promesse. « Les paroisses seront-elles le quadrillage modèle pour les années à venir » ? Là n’est pas la question principale. Il nous faut inventer des « chemins nouveaux pour l’Église » comme le précisait en 1975, la lettre de mission confiée au Centre pastoral Saint-Merry à Paris. Comment s’organiser ? Non pas en recopiant le modèle institutionnel ecclésial centré autour du prêtre, mais à partir du baptême commun qui fait de tous, des acteurs co-responsables. « Comment ferons-nous vivre une fraternité qui cultive l’espérance ? » Sans nostalgie, redevenir « comme les premiers chrétiens, pour ne pas en être les derniers ». Certes les très graves manquements de l’Église, et l’indifférence que manifeste souvent la société envers elle sont une épreuve. Éclairés par la promesse d’alliance n’oublions pas que l’essentiel « n’est pas de faire rentrer toujours plus de monde dans les églises, mais que davantage de personnes entrent dans le Royaume de l’espérance ».

« Espérer le bonheur, c’est déjà le bonheur »

Vous pouvez revoir ce débat sur notre chaine Youtube ICI

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Guy Aurenche

Avocat honoraire, membre de la Commission Droits de l’homme de Pax Christi, ancien président de l’ACAT et du CCFD-Terre solidaire. À lire de Guy Aurenche : « Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun ! », éd. Temps présent, 2018.

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