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Des prêtres pour quoi faire ? Faut-il des prêtres ? Quels prêtres ?

« Pénurie relative » ou « pénurie absolue » : réfléchir à une Église avec peu de prêtres est désormais une obligation pour l’ensemble des baptisés. D’autant que la précarité absolue suit la précarité relative et qu’à terme les Églises locales en France ne disposeront pas, même « en ville », des « effectifs » minimaux requis pour remplir les missions essentielles confiées jusqu’à présent aux prêtres.

Il ne serait pas raisonnable d’imaginer que les solutions trouvées pour combler une diminution que l’on voudrait voir relative du nombre de prêtres puissent être des solutions durables. Il faut penser des Églises locales avec peu de prêtres. Les « solutions » trouvées pour tenter de faire face à la pénurie relative ne sauraient répondre aux défis de la pénurie absolue. Et vouloir combler le manque de prêtres serait vouloir maintenir une Église de prêtres sans les prêtres, s’interdire de réfléchir autrement qu’en empruntant les seules pistes des regroupements et des nouvelles répartitions, de la suppléance par les laïcs, de diacres dont l’identité devient presbytérale, de l’« import » de prêtres venus d’ailleurs, de l’ordination de « profils » d’hier.

Les Églises locales sont au pied du mur

Il leur faut d’urgence poser les questions des raisons de la nécessité des prêtres et des missions qui relèvent ministère presbytéral. C’est sans doute parce que les baptisés s’empareront de cette question essentielle que pourront se poser valablement celles de l’ordination de viri probati [1]Les viri probati désignent des hommes d’âge mûr qui ont fait leurs preuves pour être en mesure d’exercer le ministère
des prêtres dans certaines situations
et de l’ordination de femmes. Il ne serait pas bon et ce serait naïf que ces pistes soient explorées avec la pénurie en toile de fond.
L’ordination de viri probati est essentiellement disciplinaire, l’ordination des femmes engage des questions théologiques sur le ministère sacerdotal de présidence. Ordonner des hommes mariés et des femmes n’est pas reproduire le modèle du prêtre célibataire, n’est pas « charger » les nouveaux ordonnés de toutes les missions du prêtre célibataire ni leur demander de les exercer à leur manière. Les femmes ne peuvent être « condamnées » à devoir imiter un modèle masculin du ministère ordonné. Viri probati et femmes ordonnées, mariées ou non, ne pourraient être contraints à s’engager uniquement en CDI.

Pexels Gabriel Manjarres prêtre célébration
Photo Gabriel Manjarres sur Pexels

Repenser les ministères

La question des raisons de la nécessité des prêtres, et celle qui lui est liée des missions qui relèvent du ministère presbytéral, doivent être posées librement et plus largement qu’en rapport avec le développement de la coresponsabilité ou la suppléance. Faut-il donner moins d’importance au ministère ordonné et valoriser les autres ministères ? Faut-il instituer d’autres ministères ? Fractionner le ministère sacerdotal tel qu’il se présente aujourd’hui en une pluralité de ministères ordonnés ? Faut-il promouvoir la « pluri-ministérialité » ? Mais quels seraient alors les questions générées par cette « fission » du ministère ordonné ? Faut-il que les communautés appellent pour des missions particulières et un temps donné les hommes et les femmes, célibataires ou non, dont elles ont besoin pour vivre et témoigner ? Quelle place alors pour le ministère de présidence ?

Disons les choses sans détour ou circonvolution de fort en thème : le « moins en moins » de prêtres montre assez que chercher à combler les trous ou à remplacer, est une entreprise qui n’a pas d’avenir. Pourquoi l’Église comme corps ecclésial du Christ habité par son Esprit a-t-elle besoin de prêtres ? L’Église peut-elle vivre sans prêtres ? Que serait une Église sans prêtre ? L’Église serait-elle encore l’Église sans prêtres ? Quelle Église serait une Église sans prêtres, qu’ils soient hommes célibataires ou mariés, femmes célibataires ou non ? Comment la cura animarum, la sollicitude ecclésiale des baptisés entre eux, mais également à l’égard d’autrui, du tout-venant, peut-elle s’organiser sans prêtres ? Que devient l’Office curial et exercice en propre de la plena cura animarum, la charge d’âmes confiée en propre aux clercs dans une Église où les prêtres se font rares ? Qui dans une Église sans prêtres sera responsable du tout et non de tout, de la présidence ecclésiale, qui rassemblera dans l’unité la diversité des fidèles en les faisant communier au corps eucharistique du Christ pour qu’ils deviennent son corps ecclésial ? Que veut dire une coresponsabilité différenciée dans une Église sans prêtres ? Quel office proprement dit les fidèles qui participent à l’exercice de la charge pastorale peuvent-ils recevoir et quels seraient l’étendue de leurs attributions ? Quels ministères demain pour une Église qui n’est pas une société qui prend forme de communion, mais une communion qui prend forme de société, pour reprendre le Père Yves Congar ?

Photo de Scott Curran sur Unsplash prière célébration extérieure
Photo de Scott Curran sur Unsplash

Imaginer le futur

Les baptisés doivent librement, sans concession obéissante et dévotionnelle, en acceptant de ne pas s’enfermer dans le paysage catholique dans lequel ils ont été acculturés, sans parti-pris non plus anticlérical pourtant nourri par les abus et crimes, sans s’enfermer dans l’indignation né du « sort » fait aux femmes dans l’Église, se confronter à ces questions pour pouvoir imaginer le futur de leur Église. Un immense travail théologique, spirituel, historique et prospectif est à poursuivre. Pas en voulant ignorer la tradition. Pas en pensant que l’imitation d’hier et des premiers temps serait la solution. Et pas seulement dans les cercles « savants » et les « états-majors ».

Rien ne sera possible si les baptisés n’acceptent pas, quelle que soient leur vision spontanée, sentimentale, dogmatique ou réformatrice des choses, de réfléchir ensemble à nouveau frais,
sans a priori mais sans facilités. Les évêques doivent encourager les baptisés à s’engager dans cet immense chantier et ne plus donner l’impression de conduire des rafistolages qui maintiennent une sorte de statu quo des ministères et entretiennent les nostalgies « un clocher, un prêtre ».
Ces attitudes n’offrent aucune véritable perspective et rétorquer, – quand les questions se font urgentes, sensibles et peuvent être conflictuelles -, qu’il ne faudrait pas ” désespérer Billancourt ” finirait par passer, si ce n’est pour manque de courage, au moins d’incapacité à « gouverner ».
Les Églises locales doivent mettre sur la table la questions des ministères et des ministères institués en partant des besoins des communautés et de leur volonté de témoigner de ce que Dieu fait pour la joie, le bonheur, les réconciliations, les nouveaux départs, la paix.

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1 Les viri probati désignent des hommes d’âge mûr qui ont fait leurs preuves pour être en mesure d’exercer le ministère
des prêtres dans certaines situations

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Patrice Dunois-Canette

Journaliste, secrétaire général d’associations et fédérations de presse catholique, co-fondateur des Journées d’études François de Sales, Chargé de mission cabinets ministériels, co-fondateur et co-directeur de Question Croyance(s) & Laïcité - QCL. Retraité.

  1. Bernard FAUCONNIER says:

    Voilà des questions bien posées ! Merci.
    Un chantier immense, une chance merveilleuse de marcher vers l’Amour.

  2. christiane Joly says:

    Merci pour cette réflexion juste, même si elle peut paraître brutale. Il faut aller dans ce sens d’une recherche ensemble, dans la ligne du synode initié par le Pape François, mais en passant à l’étape de recherche ensemble dans la prière, l’écoute de la Parole, l’écoute les uns des autres et de ceux qui, dans d’autres confessions chrétiennes, vivent leur foi au Christ ressuscité coeur de nos vies et qui veut nous rassembler.

  3. NOEL Hugues says:

    Annoncer l’Evangile de Jésus-Christ à notre société sécularisée, déboussolée, est l’unique exigence, l’unique urgence…
    Mais il y a de moins en moins d’envoyés agissant légitimement dans l’Eglise…Que faire et comment faire pour que la situation change positivement?
    Et pourtant “l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu”: la quasi-totalité de nos contemporains ignore ce dessein de vie et d’amour du Dieu de la révélation biblique contenue dans l’Ecriture.
    Actuellement: pas de réponse à la question.

  4. Combe says:

    Peut-être faudrait-il insister sur 2 aspects/ Le premier, à l’interne. Comment des femmes et des hommes qui se veulent disciples de Jésus de Nazareth peuvent-ils se dire l’un à l’autre leur foi, et leur foi en action, et se soumettre au jugement des autres disciples pour progresser dans la pratique ? Cela suppose partage, confiance. Ce qui, au passage, suppose le travail en petit groupes.
    A l’externe : une communauté si petite soit-elle devrait analyser la société dans laquelle elle se trouve (ce qui se faisait très normalement dans les mouvements dits d’action catholique) et s’interroger : en quoi pouvons-nous ici et maintenant contribuer à une société plus juste et plus fraternelle ? Et en considération de cette analyse collective, voir quels engagements personnels ou collectifs seraient à encourager?

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