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Quelle démocratie ?

Dans la crise politique actuelle que vit notre démocratie, Jean-Claude Devèze propose une réflexion de fond à mener par tous, politiques, intellectuels et citoyens, pour redonner du sens et une éthique du bien commun.

L’actualité nous rappelle qu’il est urgent de promouvoir la qualité de nos vies démocratiques comme le montrent les alertes suivantes : les élections de 2022 n’ont permis ni de faire diminuer l’abstention, ni de rassembler une majorité de français autour d’un projet commun ; la réforme des retraites est un gâchis démocratique du fait de l’échec d’une part du gouvernement à conduire des concertations préalable efficientes, d’autre part de l’assemblée nationale à délibérer en respectant l’éthique du débat ; la guerre tragique entre la Russie et l’Ukraine, rappelle que le droit d’un État à rester libre et à choisir un régime démocratique n’est jamais acquis face à des États totalitaires et impérialistes, et pose la question de l’exemplarité de la démocratie française comme européenne.

Confrontés aux inquiétudes de Français déboussolés face aux évolutions préoccupantes de notre pays et du monde, nos responsables politiques semblent incapables de leur proposer une vision de ce que pourrait être notre avenir commun et de les éclairer sur la façon de s’impliquer pour le rendre meilleur. D’où l’importance que notre système politique reconquière sa crédibilité vis-à-vis des citoyens français comme du monde, en promouvant la qualité démocratique, du local au global et du social à l’écologique.

Notre sphère politique doit sortir de son nombrilisme, écouter les multiples souffrances dans les territoires et s’ouvrir aux initiatives de la société civile comme aux réflexions des intellectuels en recherche de perspectives à partager et à mettre en œuvre. Ceci nécessite que nos responsables politiques, dépassant leurs recherches de pouvoir personnel, privilégient leurs engagements au service de leurs concitoyens et veillent à leur implication dans l’élaboration de choix responsables. En parallèle, il est grand temps que les réseaux sociaux et civiques, comme les intellectuels et les éducateurs, prennent toute leur part dans la promotion de la qualité de nos vies démocratiques, et contribuent à donner du contenu et du sens à l’engagement dans la durée au service du bien commun.

Il n’existe aucune recette magique pour rénover la politique et réenchanter notre démocratie, mais diverses voies peuvent être proposées pour allier le fond, la forme, la méthode et l’éthique :

  • pour donner du fond, de la crédibilité et de la visibilité à notre projet politique, travailler sur la vision de notre devenir commun et sur la planification des efforts et des moyens nécessaires pour atteindre ensemble nos objectifs ; 
  • pour améliorer la forme, mettre en œuvre des processus d’implication démocratique exemplaires et créatifs, dans le cadre d’institutions revues pour corriger leurs insuffisances actuelles, en particulier en ce qui concerne les équilibres entre l’exécutif, le législatif, le judiciaire et entre la démocratie représentative et la démocratie sociale ;
  • pour réformer avec méthode, conditionner tout lancement d’un processus politique à l’élaboration transparente de la façon de le mener à bien, en recourant à une ingénierie démocratique aidant à préciser l’objectif poursuivi, les étapes à suivre jusqu’à la décision, les implications des acteurs concernés et les modalités du contrôle et de l’évaluation[1] de ce qui aura été décidé ;
  • pour permettre à nos démocraties d’imposer leur éthique aux pouvoirs de l’argent, des influenceurs et des réseaux sociaux, promouvoir en permanence la qualité et l’adaptation de nos systèmes de formation, d’information, de débat et de régulation.

Pour réussir des transformations, des mutations et des métamorphoses à la hauteur des défis actuels, il est urgent d’affronter les dérives politiques françaises, européennes et mondiales en favorisant les synergies entre nos transformations personnelles et celles de nos organisations et de nos communautés. Soyons vigilants sur ce qui peut advenir, attentifs à ce qu’il faut remettre en question, prêts à résister à ce qui semble inadmissible, disponibles pour débattre et appuyer les initiatives constructives, persévérants dans l’exercice de notre pouvoir de discerner et d’agir ensemble.

Jean-Claude Devèze


[1] Le Pacte civique s’appuie sur son Observatoire de la qualité démocratique pour évaluer les politiques publiques et l’élaboration des lois (voir par exemple pour la loi confortant le respect des principes de la République son livre « Laïcité, islam, islamiste, séparatistes » publié chez Jacques André en 2022).

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