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Dans le tiroir de Jean – épisode 6 –

Félix Leclerc

Dans mon bureau il y a un gros tiroir où je plonge souvent. J’y ai déposé, sur des feuilles volantes, des copies de textes d’auteurs divers. Ces feuilles se sont comme sédimentées et forment une couche épaisse mais je les tourne et les retourne souvent pour qu’elles prennent l’air, l’air du temps, et parfois je vais chercher les plus anciennes, celles qui sont restées collées au fond du tiroir. Textes d’aujourd’hui, d’hier et de jadis, signés de noms connus et parfois textes anonymes, éclats, confidences, illuminations, prières, cris…

Après Léonard Cohen, encore un poète de « la belle province » !

Août, au cœur de l’été. Voici venu le temps de faire la pause. Je souhaite que ce soit aussi le temps du bonheur. Même un court instant, un de ces instants qui ont valeur d’éternité. Peut-être le temps de lire ces quelques lignes d’un texte du québecois Félix Leclerc (1914-1988), que citait Julos Beaucarne, (extrait du livre Pieds nus dans l’aube). Je le retrouve dans mon tiroir au milieu d’archives du groupe chant de Saint-Merry. C’est Bénédicte R. et Marie A. qui nous l’avaient apporté, le jour où Félix et Mireille J. nous avaient présenté leur petite Clémence.

Lorsque nous étions réunis à table et que la soupière fumait, maman disait parfois: « Cessez un instant de boire et de parler. »  Nous obéissions.

« Regardez-vous », disait-elle doucement. Nous nous regardions sans comprendre, amusés . « C’est pour vous faire penser au bonheur » ajoutait-elle. Nous n’avions plus envie de rire.

« Une maison chaude, du pain sur la nappe, des coudes qui se touchent, voilà le bonheur » répétait-elle à table.

Puis le repas reprenait tranquillement. Nous pensions au bonheur qui sortait des plats fumants et qui nous attendait dehors au soleil, et nous étions heureux. Papa tournait la tête comme nous, pour voir le bonheur jusque dans le fond du corridor, en riant parce qu’il se sentait visé. Il disait à ma mère : « Pourquoi est-ce que tu nous y fais penser à c’bonheur ? » Elle répondait : « Pour qu’il reste avec nous le plus longtemps possible ».

beaucarne.htmlhttp://wwwpetitespeinturesavecmesmots.over-blog.com/2013/12/f%C3%A9lix-leclerc-et-julos-beaucarne.html

CategoriesCoup de cœur
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Jean Verrier

Universitaire à la retraite (Paris 8, département de littérature, de 1970 à 2000). Membre du CPHB, devenu le Centre pastoral Saint-Merry, depuis 1981. Sept petits-enfants.

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