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Dimanche 20 août 2023. « Ô femme, immense la confiance qui vient de toi »

En ce dimanche, l’Évangile met en scène une femme, une étrangère dont l’attitude déroute Jésus, lui qui affirme n’être venu « qu’au secours des brebis d’Israël », jusqu’à se détourner d’elle. La confiance qu’elle manifeste alors, les conduit à une rencontre inattendue, en vérité, qui bouscule Jésus dans ses certitudes et sans doute aussi, dans sa mission.

Entrée en prière

Anna Bon : Sonata – Allegro – Musique du 18è s. de femmes compositeurs jouée par l’ensemble Galliarda

Accueil

Joie de vous retrouver ce matin et bienvenue à ceux qui nous rejoignent peut-être pour la première fois.
Oui réjouissons nous de nous retrouver, si simplement en quelques clics, pour dire et célébrer notre foi en toute liberté alors que d’autres – notamment au Pakistan cette semaine – en meurent, perdent tout ce qu’ils possèdent, simplement parce qu’ils se réclament du Christ. 

Joie de nous étonner encore devant ces textes que nous connaissons bien mais dont ce matin nous ferons une lecture provocante pour certains, déconcertante pour d’autres et nous l’espérons, enrichissante pour tous.

La question de savoir si Jésus, dès le début, connaît sa mission et sait ce qui l’attend ou si celle-ci se révèle à lui au fur et à mesure de sa vie, anime souvent nos débats. Aujourd’hui, l’Évangile nous invite à aller plus loin en mettant en scène une femme, une étrangère dont l’attitude déroute Jésus, lui qui affirme n’être venu « qu’au secours des brebis d’Israël », jusqu’à se détourner d’elle. La confiance qu’elle manifeste alors les conduit à une rencontre inattendue dont le dénouement interroge. Alors que le Christ lui-même se laisse bousculer, ébranler dans ses certitudes au point, qu’aujourd’hui, Il nous rassemble, tous différents, tous invités au banquet de la Promesse, quelle place faisons-nous à l’inconnu, comment vivons-nous le don d’accueil au nom du Père du Fils et de l’Esprit ?

Bénédicte I.-R.

Méditation en chanson

 Chanson pour l’Auvergnat – Georges Brassens

Elle est à toi, cette chanson
Toi, l’Auvergnat qui, sans façon
M’as donné quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid
Toi qui m’as donné du feu quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
M’avaient fermé la porte au nez
Ce n’était rien qu’un feu de bois
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un feu de joie
Toi, l’Auvergnat quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise, à travers ciel
Au Père éternel

Elle est à toi, cette chanson
Toi, l’hôtesse qui sans façon
M’as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m’ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S’amusaient à me voir jeûner
Ce n’était rien qu’un peu de pain
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore    
À la manière d’un grand festin
Toi l’hôtesse quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au Père éternel

Elle est à toi cette chanson
Toi, l’étranger qui sans façon
D’un air malheureux m’as souri
Lorsque les gendarmes m’ont pris
Toi qui n’as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir amené
Ce n’était rien qu’un peu de miel
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un grand soleil
Toi l’étranger quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise, à travers ciel
Au Père éternel
.

Annibale Carracci, Le Christ et la cananéenne, 1595, Parme

📖   Évangile de Jésus-Christ selon Matthieu (15, 21-28)

Traduction de Frédéric Boyer (Ed. Gallimard)

En quittant les lieux, Jésus, lui, se retire sur la frontière de Tyr et de Sidon.
Et voyez ! Une femme cananéenne jaillit de ces contrées en criant, et dit : « Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David, ma fille est possédée d’un démon. »
Et celui-ci ne lui répond rien, pas une parole.
Les disciples s’approchent de lui, insistent auprès de lui en disant : « Chasse-la, elle crie après nous. »
Mais lui répond en disant : « Je n’ai été envoyé nulle part ailleurs qu’au secours des brebis perdues de la maison d’Israël. »
Voilà que cette femme arrive et  se prosterne devant lui en disant : « Aide-moi ! »
Et lui répond en disant : « Ce n’est pas beau de prendre le pain aux enfants pour le jeter aux chiens. » Mais elle, de dire : « Oui, Seigneur, mais les chiens mangent bien les miettes tombées de la table de leur maître. »
Et alors Jésus répond, en, disant : « Ô femme, immense la confiance qui vient de toi, que tout t’arrive selon ton désir ! »
Oui, il guérit sa fille dans l’heure même.

Germain-Jean Drouais, Le Christ et la Cananéenne, 1784,
Musée du Louvre, Paris

Résonances

L’Évangile que nous venons d’entendre me met très mal à l’aise, même si nous savons qu’il se situe dans un lieu et une époque donnés, en Palestine, il y a plus de 20 siècles. Aujourd’hui, les premiers propos tenus par Jésus sont irrecevables, racistes et méprisants : entendre traiter des étrangers – chez qui il est-, de chiens, « même petits », m’évoque les cafards ou récemment les « nuisibles ».

Comme tous les baptisés, habitée par l’Esprit, je ne peux entendre, sans réflexion cet épisode. Je comprends ici que ce prophète Jésus est un homme qui n’a pas reçu sa mission clés en main : au fil des événements et des rencontres, il s’est laissé interpeler, cheminant, dans la prière sans doute, interprétant l’enseignement reçu, découvrant progressivement le sens de sa vie.

Jésus m’apparait au long de l’Évangile, comme un homme réaliste, mais sensible, s’émouvant facilement devant la misère des uns ou des autres.

Ici, cette femme, malgré les insultes, croit que Jésus a le pouvoir de guérir sa fille : c’est la seule chose qui compte pour elle. C’est cette ténacité d’amour maternel qui touche Jésus et le fait changer d’avis.

Il n’y a rien de magique, la rencontre avec cette femme est un tournant, qui va lui permettre de prendre conscience qu’il n’y a pas de différence entre les êtres humains, Samaritains ou Cananéens, esclaves ou hommes libres, hommes ou femmes, homosexuels ou divorcés : son message concerne tous les habitants de la terre, message qui a toujours du mal à s’imposer aujourd’hui….

Le partage sur ce texte m’invite à reconnaître que mes certitudes, mes convictions, ne sont jamais immuables, et qu’elles sont toujours à remettre en question.

Marie-José D.

Le Penseur, A. Rodin, 1880, Musée Rodin, Paris

En faisant un pas de côté, ce texte m’a donné à voir autre chose.

L’Évangile de ce jour nous révèle une femme, qui ose interpeler le Christ. Jésus l’ignore, les disciples veulent la « rembarrer ».  Elle s’accroche : « viens à mon secours ». Mais qui es-tu, toi, pour me déranger :« Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël ». Elle implore : « ma fille est possédée, viens à mon secours ». Cette fois, Jésus se laisse toucher par la confiance que lui fait cette femme et il répond à sa prière : « que tout se passe comme tu le veux ! ». N’est-il pas venu pour sauver tous les hommes ? N’est-ce pas là toute sa mission ? Et c’est une femme qui lui ouvre les yeux ?

À Cana, c’est sa mère qui était venue l’interpeler : « Ils n’ont plus de vin. » Jésus avait répondu sèchement à sa mère : « Que me veux-tu, femme ? »  Marie avait ignoré sa réponse et s’était tournée vers les serviteurs : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » Et c’était le premier miracle du Christ. Elle savait.
Il y aura Marthe et Marie, la samaritaine. Au pied de la croix, les disciples auront fui, il n’y aura que des femmes.
C’est Marie-Madeleine qui reconnaîtra la première, le Christ ressuscité.

Et dans l’Église d’aujourd’hui où sommes-nous passées, nous les femmes ?

Claire B.

dnk-photo sur unsplash

En ce territoire de Tyr et de Sidon nous ne sommes pas seulement à l’étranger vis-à-vis de la Galilée, mais en territoire païen, symboliquement cananéen, ennemi traditionnel d’Israël. Tout éloigne les juifs des habitants de cette contrée : car en plus d’être ennemis, ils ne partagent pas la même religion.

C’est alors qu’une Cananéenne – étrangère, femme de surcroit et donc impure –qui devait forcément avoir entendu parler de Jésus, va le trouver en l’implorant pour sa fille. Demande insistante mais réponse sèche… impossible rencontre…Jésus est en terre étrangère, mais le Royaume serait-il resté en Galilée ? Que peut-il sortir de bon des habitants de ce pays ? Comment le salut ou quelque chose de bon pourrait-il advenir à travers cette femme étrangère ?

Cela me rappelle la longue généalogie de Jésus, qui ouvre l’Évangile de Matthieu. Au milieu de cette succession incessante d’hommes, qui engendrent untel qui engendre tel autre à son tour, viennent se glisser quatre femmes (Thamar, Rahab, Ruth et Bethsabée), comme des intruses, soit adultère, soit prostituée, cananéenne ou esclave rachetée. Trois sont étrangères, voire ennemies. Et pourtant, la promesse du salut passe par elles, ces étrangères païennes, personnes destinées à être rejetées et méprisées : car quoi de plus méprisant qu’être traitée de chien. Le salut n’est pas réservé au peuple juif. C’est le même message que nous entendons dans cet Évangile.

Par sa demande insistante et répétée, cette femme cananéenne sera pourtant celle qui, se faisant humble aux pieds de Jésus, se mettant en position de reconnaissance de ce Dieu d’Israël (« Seigneur Fils de David ! ») à travers Jésus qui peut sauver (« Seigneur, aide-moi »), recevant cette surabondance qu’elle attend du Royaume, aura raison de la certitude de Jésus et le fera changer d’avis. On pourrait même dire qu’elle a participé à élargir la mission de Jésus aux Nations, et à y donner une nouvelle dimension. Jésus s’est laissé bousculer par l’insistance, la répartie et l’immense confiance de cette femme étrangère et païenne.

Et pour moi, dans ma vie, comment l’étranger, le différent, me bousculent et peuvent faire craquer mes certitudes ?

Bernadette C.

Partage

Comment l’étranger, le différent, me bouscule et peut faire craquer mes certitudes  ?

Méditation musicale

BEETHOVEN- Scherzo – Symphonie n°9- arr.

faire craquer nos certitudes – Coll privée

Paroles entendues lors du partage

  •  Ce n’est pas possible d’être coincé dans une façon de penser ; j’ai plein d’interrogations sur mes convictions, il faut éviter le radicalisme catho.
  • Le ”différent” m’a permis de m’ouvrir : pendant 8 jours j’ai côtoyé à table une jeune femme sourde et muette, mais en apprenant et en utilisant quelques signes comme “bonjour” ou “bon appétit”, tout a changé jusqu’à faire naître une amitié, et l’envie de poursuivre cette découverte.
  • Par la rencontre de gens semblant très différents sur le plan de la culture et de la religion, on découvre qu’on n’est pas si différent que cela, et ce qu’est l’universalité de l’homme.
  • Une longue expérience de la vie de couple avec un étranger, c’est très enrichissant, et ça marche !
  • Au Cameroun, le missionnaire Baba Simon envoyé auprès des païens dans le Nord du pays, a pratiqué un dialogue permanent avec les responsables des religions traditionnelles, les grands prêtres de la montagne, et a fait vivre de manière concrète dans cette région très pauvre, la spécificité de l’Évangile.
  • Pendant 20 ans, plus de la moitié de l’année, j’étais une étrangère au Canada, j’y ai aimé nos différences, et aujourd’hui, je ne sais plus très bien si je suis chez moi dans mon pays de naissance, mais être différent, cela fait grandir.
  • Quand on découvre une autre culture, il faut un effort de chaque côté pour sortir de sa bulle.
  • Ce n’est pas facile, il faut éviter un débat du genre “qui a raison/qui a tort”, un combat de convictions avec une victoire et une défaite; chacun doit parler en vérité et c’est délicat.
  • Aux Rencontres photographiques d’Arles, une foule bigarrée dans l’espace public, peu importait les différences ; mais à la messe à Saint-Trophime, la communauté de Saint Martin avec ses murs de certitudes : des étrangers, mais aussi des frères chrétiens… Que faire ?
  • La Cananéenne demande à un étranger, Jésus, le salut pour sa fille et pour elle, elle persiste contre toute espérance, et les certitudes de Jésus sont ébranlées.
  • Dans cet évangile, on assiste à une conversion ; cela me rappelle le marchandage d’Abraham avec le Seigneur à propos de la destruction de Sodome, et là aussi une conversion.

♫ Chant :  Migrants de la promesse

(Paroles : Groupe Chant St Merri / Musique : L. Boldrini)

Et du sud et du nord
Tant de frères en partance
Étranges étrangers en quête d’avenir
Et nous, peuples migrants
Aux chemins incertains
Vivons le don d’accueil
En fils d’un dieu nomade.

Toa Heftiba XCzHG7ayA5Q Unsplash
Photo Toa Heftiba sur Unsplash

1/ Si l’inconnu vient te surprendre
Invite-le à s’arrêter
Ouvre la table, offre ton eau
Pour le Seigneur et sa Promesse.

2/ Il n’y a plus ni Juifs ni Grecs
Par l’habit neuf du seul Baptême
Vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ
Peuple héritier de la Promesse.

3/ Dès aujourd’hui tu nous rassembles,
Seigneur Jésus ressuscité
Tous différents, tous invités
Pour le banquet de la Promesse !

Prière universelle

Quelles intentions de prière souhaitez-vous confier à Dieu et à la communauté ?

Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse,
que son visage s’illumine pour nous

christ-aux-1000-visages

Quelques intentions évoquées :

  • Prions pour les communautés que nous avons croisées cet été, vivantes, investies et qui se sont mises au boulot.
  • Prions pour ceux qui souffrent, qui sont envahis et dévastés, pour qu’ils trouvent une petite fenêtre de sortie, une petite lumière pour résister.
  • Prions pour le monde artistique : à Aurillac, 700 troupes vont se produire, que ce soit l’occasion de découvertes dans la joie, et de réfléchir sur les problèmes du monde d’aujourd’hui.
  • Seigneur, fais que nous ne nous habituions pas à la mort de centaines de migrants en mer, comme à des événements journalistiques – que ce soit notre problème !
  • Prions pour une jeune femme, maman de 2 jeunes enfants qui doit entrer à l’hôpital pour soigner une métastase au cerveau.
  • Que nous soyons capables de faire confiance aux autres, même si cela nous fait passer pour une “bonne poire” !
  • Nous rendons grâce pour la tendresse et la protection que nous procurent nos enfants qui nous entourent dans cette période de nos vies.
  • Je vois des gens qui vieillissent mal, physiquement ou déprimés, alors que j’ai envie d’être avec des gens heureux et en bonne santé ; aide-moi Seigneur à être auprès de ceux qui vont mal et à les entourer correctement .
  • Merci pour les vacances réussies en famille, et pour la beauté de la création !

Notre Père

Prière finale et bénédiction

empruntée au Psaume 66 :
« Que Dieu nous bénisse, et que la terre tout entière l’adore ! »

Bénédiction – Coll privée BC

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