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Dans le tiroir de Jean – épisode 10 –

Victor Hugo

Dans mon bureau il y a un gros tiroir où je plonge souvent. J’y ai déposé, sur des feuilles volantes, des copies de textes d’auteurs divers. Ces feuilles se sont comme sédimentées et forment une couche épaisse mais je les tourne et les retourne souvent pour qu’elles prennent l’air, l’air du temps, et parfois je vais chercher les plus anciennes, celles qui sont restées collées au fond du tiroir. Textes d’aujourd’hui, d’hier et de jadis, signés de noms connus et parfois textes anonymes, éclats, confidences, illuminations, prières, cris…

Pour ce dixième et dernier épisode de la série estivale « Dans le tiroir de Jean », j’avais d’abord pensé piocher dans ce qui ressemble un peu à un gigantesque tiroir rempli de fragments, papiers, journaux, cahiers, carnets, mais écrits uniquement par un même auteur, Victor Hugo (1802-1885). À l’origine, il y a des manuscrits que Hugo transportait dans des malles à papiers au cours de ses nombreux déplacements. C’est son ami Paul Meurice qui les a publiés deux ans après la mort du poète sous le titre « Choses vues ». II aurait pu ajouter « et dites », mais il ne connaissait pas Jean Deuzèmes. J’ai gardé trois livres de poche des « Choses vues » publiés en 1972 chez Folio Gallimard, en tout environ mille cinq cents pages. Mais comment choisir ? Les genres sont très variés : croquis, bêtisier de l’Assemblée, notes de frais, proclamations grandiloquentes et piques variées : « Le général Trochu, participe passé du verbe trop choir » ; des slogans de manifestations : « Police partout, justice nulle part ». Parfois des morceaux plus suivis, par exemple ces lignes écrites en 1870 alors que Victor Hugo est en exil à Hauteville-House, sa maison de l’île de Guernesey, lignes qui donnent rendez-vous à notre actualité :

16 juillet, 6h du soir.
La guerre est déclarée. Cela commence par la Prusse et la France.
Le concile vient de déclarer le pape infaillible.

17 juillet.
Il y a trois jours, le 14 juillet, pendant que je plantais dans mon jardin de Hauteville-House le chêne des États-Unis d’Europe, au même moment la guerre éclatait en Europe et l’infaillibilité du pape éclatait à Rome.
Dans cent ans, il n’y aura plus de guerre, il n’y aura plus de pape, et le chêne sera grand.

Mais les textes qui retenaient mon attention étaient trop éparpillés, j’étais noyé et près de changer de sujet, quand plusieurs émissions consacrées à Victor Hugo sur France-Culture ont soudain envahi les ondes, comme un tiroir sonore qui, en quelques jours, se déverse en océan et dont le contenu demeure en Podcast à la demande. Je les ai presque toutes écoutées ou réécoutées. Il y a d’abord eu, du 21 au 25 août, les cinq épisodes thématiques, d’une petite heure chacun, de La Grande traversée consacrée à « Hugo, l’homme qui vit » : Habiter, Aimer, Dire, Voir, Écrire. Et pour couronner le tout, le Focus du 25 août : Victor Hugo, notre flamme de Paris (titre un peu tiré par les cheveux !) a remonté dans son chalut des émissions plus anciennes, sur des sujets variés, avec différents intervenants, empruntées aux Nuits de France-Culture, à Entendez-vous l’écho ou aux Chemins de la philosophie (à propos du Dernier jour d’un condamné). On peut aussi réécouter l’enregistrement intégral de la pièce Lucrèce Borgia dans la mise en scène de Denis Podalydès…

Je ferme donc mon tiroir, j’ouvre radio et télé, c’est encore l’été, le bonheur est dans le pré, et comme le disait le poète Paul Fort : « Cours-y vite, cours-y vite. Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer. »

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-victor-hugo-l-homme-qui-vit

https://link.newsletter.franceculture.fr/m/view/7429/819892/KMEz0GG362C6fYuiz0Wdc29C5lXTLJmivm821gAfcU8=?at_campaign=culture_focus&at_medium=newsletter&at_chaine=france_culture&at_detail=%23motcle

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Jean Verrier

Universitaire à la retraite (Paris 8, département de littérature, de 1970 à 2000). Membre du CPHB, devenu le Centre pastoral Saint-Merry, depuis 1981. Sept petits-enfants.

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