Beaucoup d’entre nous ont le moral dans les chaussettes. Il n’a jamais fait gris aussi longtemps un mois de février. Et puis…Gaza, Ukraine, Trump, Poutine, Xi, Y, Z, et cœtera. On se dit comme Clov dans Fin de Partie de Samuel Beckett : « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. » En ces temps incertains j’entends la voix des poètes. En voici quelques échos :
D’abord Christian Bobin :
L’arbre est devant la fenêtre du salon. Je l’interroge chaque matin : « Quoi de neuf aujourd’hui ? » La réponse vient sans tarder donnée par des centaines de feuilles : « Tout. »
Et puis Jean Grosjean qui me fait sourire et rêver de prochaines vacances :
La belle saison s’avançait avec l’allure bringuebalante d’un char à bancs.
En peu de mots Marie Huot elle aussi me redonne confiance :
Le printemps ça vient toujours.
Un jour c’est aujourd’hui.
Bon, mais attention, me dit Pierre Dumayet :
On peut être aux pieds d’une porte d’entrée et se gourer complètement sur l’avenir.
Alors, un conseil de Jean Tardieu, facétieux et résigné :
Tout ce qui a commencé, il faut bien que ça finisse : la maison sous l’orage, le bateau dans le naufrage, le voyageur chez les sauvages. (…)
Moralité : Si vous ne voulez rien finir, évitez de rien commencer.
Sur un mode plus grave, Philippe Longchamp ne retient que le désir :
Voyageur, un jour on plie bagage. Le fallait bien ! Et quoi qu’on décide, c’est toujours trop tôt.
Ainsi, on est venu désirant, on repart idem. Ainsi, le temps reste aiguisé.
Un jour, l’ami a donc plié bagage. Sans que je le sache. Ça m’est arrivé plusieurs fois ces temps derniers. J’entends alors la voix de mon ami le poète gallois Colin Evans :
Il y a bien toujours une première et une dernière fois. Mais c’est beaucoup plus tard que l’on apprend, en un éclair, que ce baiser donné en passant, ce verre pris à la hâte, ce « on se rappelle au téléphone », c’était cela la dernière fois. Et depuis, silence. Souviens-toi que dans ces moments innombrables, le début et la fin cohabitent, et chaque instant est dans le présent de Dieu.
Printemps présent de Dieu.