Mes bien cher.e.s frères et sœurs
J’ai plaisir à vous interpeller avec cette formule si complaisamment utilisée pendant des années par ces hommes en robe qui, du haut de leur chaire, se laissent appeler pères. Pourtant cette formule dit la fraternité et c’est bien de fraternité que je veux vous parler.
Alors que nous sommes interdits de lieu et de temps de rassemblement, j’éprouve combien je suis attachée à notre communauté (le Centre Pastoral Saint-Merry) et, d’une certaine façon, spirituellement dépendante. Je n’ai pas la grâce d’éprouver la présence de Dieu au fond de moi mais c’est par la rencontre, l’accueil et la communauté, donc par vous dont je me suis rapprochée pendant ces cinq dernières années, que je ressens comme une sollicitude et une attirance, une présence insaisissable et toute proche qui me soutient, qui m’attend. Alors ne plus vous côtoyer, ne plus vous retrouver pour célébrer ensemble est une perte dont l’ampleur m’étonne, me chagrine et perturbe profondément ma prière. Cette perte que je ne sais qualifier il me faut la transformer en renoncement pour continuer à aller de l’avant et il me faut retrouver le goût de Dieu dans d’autres rencontres, d’autres communautés liturgiques.
Ainsi Dieu est-il aussi présent dans cette communauté du 20e arrondissement, bigarrée, très cosmopolite et accueillant beaucoup de jeunes que j’ai rejointe un dimanche. Il est aussi dans ses chants insipides et ressassés depuis des générations, dans ces gestes liturgiques réservés aux clercs, dans cette musique tonitruante évoquant Star Wars et non la discrétion profonde et mélodieuse des cantates d’autrefois. Dieu est aussi dans ce groupe important de servants de messe, garçons et filles, jeunes et adolescents dans leur aube blanche, parcourant l’espace entre le chœur, la nef et les bas-côtés et reliant à leur façon le bas peuple et les officiants ; groupe où les rôles sont distribués sans hiérarchie ni exclusivité, une jeune fille précédant d’ailleurs la procession liturgique au début et à la fin de la messe. Et cela me donne à penser que le féminisme a peut-être plus d’avenir dans l’Église que le sacerdoce commun des fidèles, la coresponsabilité et le peuple de Dieu. « Peuple de Dieu » voilà le mot est lâché ; voilà mon deuxième acquis du coup de force clérical à l’encontre de notre communauté : je suis aujourd’hui – non pas persuadée car les papautés de Jean Paul II et Benoît XVI avaient déjà refroidi nos espoirs – affligée et blessée par la découverte que Vatican II n’était pas le point de départ d’un nouvel âge ecclésial mais la conclusion d’une évolution dont les enseignements ont depuis, progressivement, disparus des consciences et des gouvernements de l’église.
Alors oui je fais partie du groupe de requérants canoniques (contre la fermeture du Centre pastoral Saint-Merry décidée par Mgr. Michel Aupetit, archevêque de Paris) ; j’ai signé le recours dans un esprit de stricte justice, pour dire ma blessure et réclamer réparation. Et en espérant reconnaissance et respect de la diversité des églises au sein de l’Église de Dieu.
Catherine Charvet