J’ai 28 ans, j’en avais 25 quand j’ai découvert Saint-Merry. Maïté, qui allait devenir mon épouse, a eu connaissance de ce lieu de vie et de prière à travers la Nuit Sacrée. Une nuit où les murs de l’église remplie résonnent de chants sacrés d’une multitude de religions. Une nuit où l’ouverture et le dialogue interreligieux, permettent d’aller au-delà de la simple tolérance pour atteindre une expérience commune. Puis nous avons assisté à une messe du Centre pastoral, et nous nous sommes sentis libérés. Nous n’avions plus l’impression de répondre à des rituels qui nous semblaient perdre du sens par leur automatisme et leur rigidité. Le déroulé, comme les mots employés, nous touchaient en vérité et allaient à l’essentiel du message de l’évangile. Chaque dimanche nous offrait une messe différente, puisant dans les textes du jour et l’actualité l’inspiration pour une prière ancrée dans le monde. Chaque dimanche on nous interpellait de manière différente : par une homélie déroutante, par un échange avec nos voisins, ou encore par un temps de méditation. Et ce déplacement de la nef au chœur, pour se rassembler tous autour de l’autel au moment de l’eucharistie, cela avait soudain beaucoup de sens.
Très vite nous avons été embarqués dans les multiples activités et engagements du centre pastoral. Un évènement comme la Nuit Sacrée n’était que la partie émergée de l’iceberg : nous n’imaginions alors pas tout l’écosystème qui vivait entre ces murs et au-delà ! Associations de solidarité, groupes de prières, permanences d’accueil, expositions, concerts, tables rondes… J’ai notamment réalisé des vidéos pour la Nuit Sacrée, des captations de conférences, ou encore contribué au Billet : chaque dimanche sur la feuille de messe et sur le site internet est publié un texte de réflexion spirituelle personnelle, ancrée dans le monde, qui est écrit par un membre d’un groupe de personnes engagés sur l’année et relu par ce dernier.
Mais avant tout, la rencontre avec la communauté de Saint-Merry a ravivé ma foi. Le jour de ma Confirmation fut le plus beau de ma vie de baptisé. Recevant l’Esprit saint des mains de Mgr Beau, bienveillant et plein de confiance, et entouré de ma famille et de mes amis, j’ai été aussi très marqué par la présence et l’affection des personnes de la communauté. J’ai senti à travers tout cet amour qui m’entourait que Dieu était véritablement présent à mes côtés.
Mais l’importance de Saint-Merry dans mon chemin de foi ne s’arrête pas là ! En 2018 Maïté et moi avons décidé de nous marier. C’est donc au Centre pastoral que nous avons suivi une préparation, qui se révéla pleine de belles rencontres et d’enrichissement pour notre projet de vie. Les couples venaient de multiples horizons : des personnes du quartier, du Centre pastoral, mais aussi des personnes en quête d’un cadre ouvert et accueillant. Échangeant sur des thématiques à partir de textes de la Bible, nous avons été marqués par la grande liberté et la profondeur des discussions.
En parallèle, nous avons voulu participer nous aussi aux initiatives de la communauté, en proposant une prière avec les chants de Taizé, une fois par mois. Nous nous sentons très proches de la communauté de Taizé et de sa liturgie : ses chants méditatifs, sa simplicité, ses prières centrées sur le message d’amour du Christ, sa dimension œcuménique et internationale…Cela nous a paru très en phase avec Saint-Merry, et nous avons effectivement été soutenus dans notre projet. Pendant deux ans, la prière de Taizé de Saint Merry a accueilli des jeunes venus d’ailleurs, des personnes de la communauté, comme des gens de passage… Mais le pari de l’intelligence collective n’est pas bénéfique uniquement pour les multiples initiatives de solidarité, d’accueil ou d’expressions artistiques. Il l’est aussi, et même avant tout, pour la créativité et la profondeur de la liturgie, qui façonne notre expérience de la foi et notre relation à Dieu.
J’ai vécu à Saint-Merry mes plus beaux moments spirituels, mes plus fortes intuitions de l’expérience de Dieu.
Tristan
Ce n’est pas un hasard si j’ai vécu à Saint-Merry mes plus beaux moments spirituels, mes plus fortes intuitions de l’expérience de Dieu. C’est que la foi est non seulement quelque chose de vivant, insaisissable – elle ne peut donc être retrouvée de manière automatique par les mêmes formules à chaque fois ; mais elle a aussi une dimension émotionnelle et parfois physique – on ne peut l’atteindre uniquement par une approche intellectuelle. Or Saint-Merry, de par la préparation collective de sa liturgie dans un cadre relativement libre et ouvert, cultive justement ces deux approches. D’abord en déployant une créativité et l’exigence d’une réflexion nouvelle pour chaque messe, avec l’idée que les textes du jour peuvent résonner chaque fois différemment selon le contexte du présent, et selon les sensibilités des lecteurs. Mais aussi en cherchant à nous atteindre, nous les participants à la messe, au plus profond de nous, en cherchant à nous faire vivre une véritable expérience de Dieu. Que cela soit par les chants humanistes, les commentaires sans langue de bois, ou bien en appelant les fidèles à prendre librement le micro, en nous amenant à nous tourner vers notre voisin pour échanger sur une question, en observant un temps de silence judicieusement choisi…
Je me souviens d’une semaine sainte, où j’ai pu ressentir de manière bouleversante la mort du Christ, à travers toutes les douleurs et peines déposées sur des papiers et lues à voix haute. Je me souviens avoir ressenti la résurrection, lorsque la lumière s’est faite dans l’Église…
Peut-être qu’une telle approche de la liturgie ne convient pas à tout le monde, mais c’est justement parce qu’il est important de cultiver une diversité de pratiques, une tolérance et une ouverture dans l’Église, qu’il est important que Saint-Merry continue à vivre. L’uniformité des dogmes, des rituels et des modes d’organisation est un mythe mortifère. D’une personne à l’autre, d’une paroisse à l’autre, d’un pays à l’autre, la pratique de la foi ne sera jamais exactement la même, et c’est tant mieux.
Tristan de La Selle
La fermeture annoncée du Centre Pastoral me fait me sentir orpheline car j’ai trouvé au CPHB une communauté réelle. Une communauté avec ses très grandes qualités : une interrogation forte de l’Évangile – sous de multiples formes (la célébration, les partages 6-6, les groupes de Carême, les débats…), une remise en question de nos croyances et préjugés, un accueil de celles et ceux à la périphérie de l’Église et/ou du monde, une connexion à la Parole, une manière de se questionner pour aligner notre foi, nos valeurs et nos actions quotidiennes, du mouvement, de l’audace, un sentiment de faire famille. Je pense avant tout aux plus petits, aux sans-voix, aux plus fragiles qui y ont trouvé un espace et qui seront orphelins le 2 mars.
Sarah Lecouffe
Comment demeurer dans le souffle de l’Esprit sans rencontre authentique, sans partage don de soi et d’émotions, sans confrontation, sans ouvrir le cœur et la voie… Qui s’intéressera aux besoins profonds des personnes pour orienter l’être eucharistique et ouvrir le chemin qui donnera ce sens jamais acquis, toujours si difficile à percevoir… Comment parvenir à l’évidence intérieure, cet appel qui met en route, qui s’engage pour l’autre… Comment continuer à donner la parole qui relève, nourrit et apaise sans lieu de Dieu créatif, où l’humain offre une nouvelle dimension de l’être et du monde qui change le regard. Mais sans geste de miséricorde, une catholicité sans christianité a-t-elle un a-venir ? Comment envisager un avenir commun dans la mixité où chacun est accueilli à égalité ? Comment parvenir à ce que la flamme trinitaire qui amène sur l’autre rive ne s’éteigne jamais… Comment…
Annick Guillou
Qui regarde vers Dieu resplendira, sur son visage plus d’amertume
Pendant notre long exil politique entre 1974 et 1985 le centre Pastoral Saint-Merry avec l’Abbé de Chalendar ainsi que ceux qui lui ont succédé, constitua pour nous exilés chiliens un centre d’accueil familier même pour ceux qui n’étaient pas catholiques. Fut même constituée une Paroisse Chilienne où nous nous retrouvions tous les dimanches. En plus de suivre la messe nous échangions des messages et aussi des espoirs. Aux nouvelles de sa possible fermeture qui nous fait très mal au cœur malgré la distance, nous prions les responsables de faire tout le possible pour que son activité ne soit pas interrompue.
Jacques Chonchol, ancien Ministre du Président Allende,
exilé à Paris pendant une vingtaine d’années
Nous sommes convaincus que l’arrêt de cette réalité d’Église serait une perte immense pour tous ceux et celles qui y sont engagés, mais aussi pour le diocèse de Paris et l’Église de France. L’accueil inconditionnel et la coresponsabilité qui s’y vivent sont, pour beaucoup de femmes et d’hommes, des signes de l’Évangile dans la société actuelle. Nous demandons donc instamment à Mgr Aupetit de revenir sur sa décision et d’accepter la demande de dialogue fraternel formulée par l’équipe pastorale. Les difficultés rencontrées peuvent certainement être surmontées par un effort commun. Ce temps de Carême, qui appelle chacun-e à la conversion, ne doit pas être celui du rejet et de l’exclusion.
La Fédération des Réseaux du Parvis
Signataire en 1989 de l’appel des 25.000 (avec l’hebdomadaire Témoignage Chrétien)
pour une Église du dialogue au service des hommes et du monde.