Chaque semaine, je continue à animer en présentiel un atelier d’informatique auprès d’un public adulte et immigré, souvent « sans papier ». Nous nous retrouvons dans la salle équipée d’ordinateurs d’un centre social et culturel à Paris 10e.
« Mes » apprenant.e.s ne possèdent en fait qu’un « smartphone », téléphone mobile dit « intelligent », qu’il ne l’est pas sans mode d’emploi. Je les accompagne donc pendant deux heures pour qu’ils apprennent à maîtriser l’usage de certaines fonctionnalités, a priori intuitives, de ce terminal numérique nomade. Ils s’exercent, par exemple, à adresser un e-mail à plusieurs destinataires avec un document joint etc. Plutôt marginalisés du fait de leur statut, ces adultes et leur famille, souvent isolés, sont encore plus vulnérables, faute d’équipement et de savoir-faire numériques.
Leur enseigner la prise en main autonome de ce « couteau suisse numérique », c’est donc leur donner la possibilité d’établir un « lien virtuel », avec chaque service public, comme Pôle emploi ou l’Assurance Maladie, indispensables pour leur permettre de se faire soigner, de trouver un travail, etc. Cet outil et ses logiciels comme WhatsApp leur permettent également de communiquer avec des proches résidant dans leur pays d’origine.
À rebours de l’objet de cet atelier qui nous rassemble, nous ressentons dans cette salle la joie d’être présents les uns aux autres, d’interagir physiquement, en cette pesante période de distanciation sociale.
Ce paradoxe me renvoie immanquablement à la situation injuste et ubuesque à laquelle fait face la communauté de notre Centre pastoral. Interdits de nous rassembler dans l’église, nous entretenons aujourd’hui une relation à distance par les outils de communication, à l’utilisation parfois ardue pour les moins aguerris d’entre nous, comme pour le logiciel Zoom, garants pourtant de la préservation de liens désormais virtuels, tissés au sein de notre communauté.
Nicolas L.
Billet du dimanche 28 mars 2021