Aux États-Unis, en Suisse, des groupes de femmes catholiques commentent en ligne la Parole de Dieu, et le revendiquent comme un droit. À Saint-Merry, nous le pratiquons “en live” comme une évidence. L’assemblée et le Saint-Esprit s’y retrouvent-ils ?

« Élever la voix, renouveler l’Église », ainsi s’annonce le Catholic Women Preach qui se présente comme « un projet novateur conçu pour relever certains des défis les plus pressants auxquels l’Église est confrontée aujourd’hui, en répondant à l’appel du pape François qui incite à un engagement plus large et plus actif des baptisés dans la mission de prédication de l’Église. ». En bref, il s’agit d’un site qui regroupe des homélies calées sur le calendrier liturgique, toutes rédigées par des femmes. « Ce projet est une initiative profondément fidèle, pleine d’espoir et joyeuse destinée à construire l’Église », proclame également la page de présentation de leur site web. L’ambition est à la fois de mettre des ressources à disposition de tous les professionnels, prêtres ou catéchistes, de toucher les jeunes générations plus présentes en ligne que dans les églises, et de promouvoir la voix des femmes dans l’Église et dans le monde.

En Suisse, le site Oh My Goddess ! s’affiche comme « un groupe de femmes réunies autour du projet de participer à l’indispensable renouvellement des communautés catholiques, en initiant des projets féministes audacieux et intersectionnels, qui rassemblent et donnent voix à celles et ceux actuellement invisibilisé.e.s dans l’Église ». (Par intersectionnels, on entend des personnes subissant simultanément plusieurs formes de domination, de discrimination ou d’exclusion dans un contexte social). Dans leur manifeste, elles se présentent comme étant « surtout des femmes révoltées par la manière dont l’Église trop souvent invisibilise une partie de ses membres, et fatiguées de nous taire ».

Nous avons eu la chance, durant quarante-cinq ans, de pouvoir ouvrir le micro de nos célébrations à des femmes comme à des hommes, pour commenter la Parole dans les murs d’une église parisienne. Par un hasard étonnant, un vitrail Renaissance représentant Marie-Madeleine, en train de prêcher en chaire, en éclairait la nef. Et nous continuons, hors les murs, à partager cette Parole et à la commenter en ligne, prêtres ou laïcs, hommes et femmes, ensemble. Il parait évident qu’un clerc célibataire, quels que soient son histoire personnelle, son âge et ses goûts, n’a pas la même chose à dire sur une page d’Évangile qu’une salariée mère de famille, par exemple, indépendamment là aussi de son parcours. Car les textes ne s’expliquent pas seulement d’un point de vue historico-théologique, mais bien sûr en résonnance avec nos vies à chacun, puisque nous ne les lisons pas uniquement par intérêt intellectuel pour la littérature et la pensée antique, mais bien pour qu’ils nous nourrissent et nous aident à vivre aujourd’hui.

Marie-Madeleine prêchant en chaire, vitrail, Saint-Merry (photo F. Carillon)

Les éléments de connaissances théoriques de ces textes peuvent être appréhendés et expliqués par toute personne ayant les compétences requises, quels que soient son sexe et son statut dans ou hors de l’Église ; quant aux interrogations plus profondes soulevées par les Écritures, elles suscitent des échos chez chacun de nous, qui peut en rendre un témoignage personnel. Le droit d’accès à la Bible en langue vulgaire, conquis de haute lutte par nos frères protestants, au prix lourd du sang versé, a représenté une étape majeure. Le grand développement des formations bibliques tous azimuts, y compris à destination des laïcs, a été permis par le concile Vatican II. Quand les micros seront enfin tendus à tous les fidèles, et notamment aux femmes, dans nos assemblées dominicales, l’Esprit Saint aura autant d’occasions en plus de se déployer parmi nous.

Blandine Ayoub

https://www.catholicwomenpreach.org/about

https://ohmygoddess.fr/

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Blandine Ayoub

Née au moment du Concile Vatican II, elle est impliquée depuis près de 40 ans dans la communauté de Saint-Merry, tout en cultivant un tropisme bénédictin, grâce à son père moine de la Pierre-Qui-Vire. Par son mariage avec un Alepin, elle a également adopté la Syrie comme deuxième patrie. Elle est responsable d’un centre de ressources documentaires dans un centre de formation professionnelle de la filière éducative et sociale.

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