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Ensemble, sur le chemin synodal

La lettre récente du pape François au cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising, qui lui avait remis sa démission, est celle « d’un frère qui t’aime ». François semble dire au cardinal qu’il comprend son trouble à l’égard de l’Église. Et il insiste pour lui signifier qu’il n’est pas seul.
En ce temps de préparation du synode, le pape s’adresse à nous avec la même tendresse et la même exigence.

«Un frère qui t’aime… ». Le pape François se présente ainsi en écrivant au cardinal Marx (le 10 juin) pour refuser sa démission [Vatican News, 10 juin 2021]. Ces mots nous touchent. Ils semblent accompagner d’une affectueuse fraternité notre nomadisme et notre marche vers une Église synodale. Le contexte est totalement différent, mais la pédagogie est intéressante : comment prendre en charge une crise et la dépasser ? Accablé par les crimes de pédocriminalité et les silences de l’Église, le cardinal Marx voulait à la fois « mettre les pieds dans le plat » et souhaiter quitter le navire ! « Prendre en charge la crise, personnellement et communautairement, est la seule voie fructueuse », lui rappelle le pape.
Personne chez nous n’a démissionné. Bien au contraire la communauté a rassemblé la diversité des talents et des désirs au service de l’écoute, de la réflexion, de la prière et de l’invention de nouveaux visages d’Église. Quelques passages de cette lettre nourrissent notre nomadisme heureux mais parfois dubitatif.

« S’approprier l’histoire personnellement et en tant que communauté »

La richesse de nos expériences peut aider à échapper au nombrilisme accusateur ou à l’angélisme ignorant la gravité des divergences. Relire l’histoire des dernières années du Centre pastoral, à la lumière de la mission qui lui fut confiée, aidera à mettre des mots sur les joies et les peines, les obstacles rencontrés, les gestes inappropriés, voire les dysfonctionnements. L’ouverture à des voix extérieures à la communauté, qu’elles soient critiques ou dérangeantes, enrichira la démarche d’analyse du passé.
Les conclusions de ce regard historique, théologique et ecclésiologique, pousseront vers l’avenir. Non vers la répétition paresseuse, mais vers la réforme, la vraie. « La réforme dans l’Église a été faite par des hommes et des femmes qui n’ont pas eu peur d’entrer en crise et de se laisser réformer par le Seigneur ». Sinon, ajoute François, « Nous ne serons que les idéologues de la réforme ».

Réformer

D’abord nous-mêmes, sans doute. Difficile lorsque la blessure est encore douloureuse de se mettre en position d’accueil de l’Esprit. Celui-ci, pour autant que je puisse en parler, se manifeste à travers paroles et visages des frères et sœurs de la communauté, accueil des attentes du monde, silences volontaires qui ponctuent notre existence et la vivifient, messages percutants pour révolutionner l’Église, petites phrases lâchées timidement.
Réformer l’institution-Église, de ce corps composé de personnes qui péniblement ou glorieusement ont permis que nous soit proposée la Bonne nouvelle de Jésus, aujourd’hui. Toute organisation qui se fixe un but – partager et vivre de l’Évangile – doit accepter les rendez-vous historiques du changement. Quel organe social peut prétendre ne rien changer dans son fonctionnement alors que le contexte change brutalement ? L’Esprit vit dans le souci du changement des cœurs, des cultures, des structures. L’Église n’est-elle pas elle-même en « perpétuel mouvement de réforme » ? Le pape invite au courage de la réforme, au cœur des drames que connaît l’Église comme au cœur de l’espérance de la démarche synodale.

Oser proposer des gestes

Un tel désir de « Réformation » personnelle ou ecclésiale, appelle à vivre une tension difficile : déployer la force d’un désir vibrant et la modérer par la modestie de la confiance accueillie. Comment créer et mettre en œuvre ces modes nouveaux que le Centre pastoral était invité à inventer depuis 1975 ? Comment est écoutée la parole de chacun, des plus discrets en particulier ? Comment ces messages fécondent-ils la nécessaire prise de décision ? Comment décide-t-on pour réformer ? Cela suppose des mécanismes décisionnels, éclairés par des processus préparatoires et sans cesse réajustés au but visé : le partage de l’Évangile. « Nous ne serons pas sauvés par le prestige de notre Église, … par le pouvoir de l’argent ou l’opinion des médias… Nous serons sauvés par Celui qui peut le faire, qui guérit et ouvre les portes à la compassion et à la tendresse… qui est toujours proche de nous ».
Il ne suffit pas d’affirmer que « nous serons sauvés » lorsque l’on traverse une crise douloureuse et que l’on est au milieu du gué. À travers la pratique les actions de solidarité, nombre de victimes m’ont dit : en apprenant qu’une action était faite en ma faveur, je savais que j’étais sauvée. Et la personne ajoutait : je n’étais plus seule. La lettre du pape François au cardinal Marx est celle « d’un frère qui t’aime ». Il semble lui dire qu’il comprend son trouble à l’égard de l’Église. Il insiste pour lui signifier qu’il n’est pas seul. Il lui demande de ne pas le laisser seul. Il ajoute que l’Église n’est pas seule.
En ce temps de préparation du synode, le pape s’adresse à nous avec la même tendresse et la même exigence.

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Guy Aurenche

Avocat honoraire, membre de la Commission Droits de l’homme de Pax Christi, ancien président de l’ACAT et du CCFD-Terre solidaire. À lire de Guy Aurenche : « Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun ! », éd. Temps présent, 2018.

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