Le 27 octobre 1986 est une date historique dans le dialogue interreligieux. Jean-Paul II recevait à Assise, en Italie, les représentants des grandes traditions religieuses pour une première “Journée mondiale de prière pour la paix”.
Cette année, le Vatican a délégué la commémoration de cet évènement à la communauté Sant’Egidio qui a souhaité faire résonner “Le Cri de la Paix” depuis le Centre des Congrès, La Nuvola, à Rome du 23 au 25 octobre 2022, « envoyé un message fort d’espoir et de confiance en l’avenir », car « aujourd’hui apparaît de plus en plus nécessaire l’Esprit d’Assise, qui est un esprit de dialogue et d’amitié capable d’impliquer les leaders religieux, les responsables politiques et les gens ordinaires dans la construction de la paix sous toutes les latitudes ». Les participants, chrétiens ou de différentes confessions, religieux ou laïcs, représentants politiques ou non, ont pris part à des conférences et des tables-rondes autour de ce thème plus que d’actualité. À noter la présence, côté français, du cardinal Jean-Marc Aveline, de Mgr Laurent Ulrich, du Frère Alois de la communauté de Taizé et surtout du président de la République française, Emmanuel Macron à l’assemblée inaugurale.
J’ai besoin de vous !
De cet événement, quelles paroles et propositions émergent ? Que peut-on espérer d’un tel événement ? Parmi les nombreuses prises de parole dont certaines au contenu souvent convenu, celle d’Emmanuel Macron fut remarquée. Certains propos, pas forcément nouveaux, méritent d’être soulignés par leur contenu – ce qui est dit, ce qui ne l’est pas – et par le ton d’engagement, quelquefois à la limite du prône. En réponse à la question posée par les organisateurs, ” Dites-nous ce que vous attendez des religions en ce moment ? “, E. Macron répond :“J’ai besoin de vous !”. Il parlera de la guerre en Ukraine et de l’aide évidente et exigeante à apporter à ce pays. “Mais cette guerre n’est pas celle de tout le peuple russe… et parler aux consciences (russes) est essentiel. Cette guerre ne doit pas faire oublier les autres” E. Macron ajoute que l’absence de guerre n’est pas la paix, et pointe le danger des nationalismes – “à ne pas confondre avec patriotisme” -, qui est “exclusion de l’autre dans nos sociétés… rêve de pureté ethnique ou religieuse… qui convoque toutes les simplifications du monde… Nous savons tous comment la religion orthodoxe est manipulée par le pouvoir russe et, dans certaines régions, comment l’islam est convoqué pour justifier des projets politiques de domination.” Un oubli de taille : l’attitude manipulatrice d’autres religions ou philosophies – judaïsme, bouddhisme, hindouisme, entre autres -, sans oublier évidemment les Églises évangélistes des États-Unis et d’ailleurs, toutes poussant, souvent avec succès tragiques et sanglants, leurs gouvernements à des guerres ethniques, coloniales et/ou hégémoniques. E. Macron martèle “que les religions peuvent beaucoup” à côté de la parole, souvent décrédibilisée, des responsables politiques car “les âmes, les peuples ne s’administrent pas”.
Les religions ont un rôle de résistance
Le président poursuit, en quasi prêcheur : “les religions et les responsables ont un rôle de résistance face à la folie des temps”. Il les appelle ” à défendre le respect, à prendre soin des plus fragiles et à apporter une réponse essentielle, celle de l’enracinement et du salut… Les religions ont un message d’universalisme à apporter qui est le meilleur antidote contre le relativisme contemporain, contre la fracturation du monde… Il est d’abord une exigence à l’égard de soi-même, une volonté de chercher la part d’universel qui est irréductible à chacun d’entre nous… Il nous faut avoir une même force d’âme… pour porter les projets concernant les questions de santé, d’éducation, du climat, des inégalités sociales pour rééquilibrer le monde.” dit-il en conclusion, avant d’ aller tutoyer le pape François le lendemain.
À l’évocation de ces principes généreux et objectifs généraux, on ne peut pas ne pas signaler quelques cailloux dans la chaussure présidentielle et française. Pour n’en citer que deux : la France reste depuis des décennies l’un des premiers commerçants d’armes de la planète. Côté école et éducation à la paix, l’enseignement des faits religieux, énoncé dans les textes officiels comme potentiellement facteur de “vivre ensemble”, y est sinistré. Les enseignants mal formés, souvent idéologiquement réticents et/ou tétanisés par certains élèves et parents, peu ou pas soutenus par leur administration, pratiquent une laïcité du silence et de la peur. La formation des consciences de nos élèves serait-elle moins prioritaire que celle des citoyens russes ?
Cette rencontre, ” le Cri de la Paix “, s’est terminée au Colisée le dimanche 25 octobre par une prière finale à laquelle a participé le pape François et par un Appel pour la paix soulignant l’importance du dialogue : « Nous, croyants, devons œuvrer pour la paix par tous les moyens possibles… Malheureusement nous nous sommes parfois divisés entre nous, aussi en abusant du saint Nom de Dieu : nous en demandons pardon, avec humilité et honte. Les religions sont, et doivent continuer à être, une grande ressource de paix… Empruntons chaque voie de dialogue. La paix est toujours possible ! Jamais plus la guerre ! Jamais plus les uns contre les autres ! »
Une rencontre œcuménique le 21 janvier 2023
Quels moyens concrets à la hauteur d’un enjeu colossal et à tous les niveaux – éducatif, associatif, politique et international – seront donc déployés pour que continue à s’incarner “l’esprit d’Assise” ? Dans la droite ligne de cette Rencontre, il est de la responsabilité des chrétiens d’œuvrer à leur unité pour un engagement plus efficace en faveur de la dignité des personnes, d’abord celle de nos frères les plus pauvres.
À la mesure de ses moyens, tel le colibri qui apporte dans son bec une goutte d’eau pour éteindre l’incendie, le Réseau Spiritualité Fraternité (RSF) de Saint-Merry Hors-Les-Murs, à l’occasion de la Semaine de Prière pour l’Unité des Chrétiens, se propose d’organiser une rencontre œcuménique entre des communautés chrétiennes, le samedi 21 janvier 2023 de 18 h à 21 h – le lieu sera indiqué ultérieurement.
Cette rencontre est ouverte à tous les chrétiens désireux d’œuvrer à l’unité des chrétiens.
Trois objectifs à cette rencontre :
- créer des liens fraternels et durables entre communautés
- chanter et prier ensemble pour l’unité des chrétiens, pour que ceux-ci puissent être vus comme des frères, qu’ils remplissent plus efficacement la mission évangélique, agissent concrètement pour la justice et la paix entre les personnes et les peuples, et pour la préservation de notre maison commune
- faire un geste de solidarité envers les communautés ukrainiennes, syriennes et arméniennes éprouvées par la guerre.
Jean-Marc Noirot
pour Le Réseau Spiritualités Fraternité (RSF) de Saint-Merry Hors-les-Murs