Le Socle joue les prolongations jusqu’aux JO ! Les nouveaux projets pour 2024 témoignent d’une époque et sont en accord avec une certaine sensibilité saintmerriene. Et si vous participiez au Crowdfunding 2023 ? La chronique de Jean Deuzèmes
À 100 mètres du Centre Georges Pompidou, est érigé un piédestal sobre et beau. Au 80 rue Saint-Martin, un projet artistique et social, d’intérêt général, lauréat d’Embellir Paris, en 2019, existe toujours.
La rencontre entre le Socle et l’église Saint-Merry est forte. Depuis 2019, passants et habitants s’y sont habitués durant le jour et quand l’église est fermée, le piédestal avec l’installation du moment veille sur le bâtiment du XVIe. Mais ce sont des Saintmerriens, maintenant hors les murs, qui veillent sur le Socle, discrètement et fidèlement.
Or 6M3, l’association animatrice devait arrêter le Socle en 2023 avec la fin des subventions contractuellement accordées par la Ville de Paris.
Le succès qu’elle a engendré en exposant les arts d’aujourd’hui et en organisant autour ou dessus de multiples évènements a été comptabilisé par Google avec le nombre de vues échangées à la mi-novembre.
Aussi, 6M3 a accepté de jouer les prolongations jusqu’en août 2024, à la fin des JO para-olympiques.
Pour monter sur le podium des grandes initiatives associatives en faveur de l’art, les deux installations finales sont symboliquement très fortes : l’une de Christian Delecluse pour affirmer la liberté d’expression et l’autre de Ndary Lo pour accompagner les JO à sa manière.
2024 : Le Socle jusqu’aux JO !
Les deux œuvres, actuellement en préparation, expriment des valeurs proposées en partage :
Speakers Corner de Christian Delecluse, artiste français qui a reçu de nombreuses commandes pour les espaces publics, est une affirmation de la valeur fondamentale de la liberté d’expression, donc une synthèse de l’esprit du Socle depuis ses débuts. Sa sculpture sonorisée est construite à partir d’un don de livres par une maison d’édition : un poing dans lequel les veines laissent circuler la parole écrite des livres. (janvier – mai 2024)
Hommage à Usain Bolt de l’artiste sénégalais majeur Ndary Lo célèbre l’engagement humain et la permanence dans l’effort que symbolise le sprinteur le plus médaillé. Des valeurs modèles pour le Socle. (juin – août 2024)
Ces deux œuvres accueilleront des évènements artistiques et sociaux, des projets portés et animés par les acteurs du quartier, des créateurs ou des compagnies chorégraphiques.
Donner, c’est simple
Cliquer sur Helloasso et contribuer au projet >>>
Tous les dons sont affectés à la réalisation des œuvres avec des artisans et à leur difficile montage. Les frais d’administration sont très, très faibles. L’énergie des bénévoles fait tout.
Pour réussir cet ultime pari, 6M3 est totalement dépendant des dons de particuliers tout en bénéficiant du soutien moral et administratif de la Ville.
6M3 lance donc son dernier Crowdfunding.
Objectif : 7 000€ avant le 31 décembre 2023
Votre don ouvre à un abattement fiscal de 66%.
Neuf + deux : des valeurs et une époque
Les neuf sculptures et installations ont déconcerté de nombreuses personnes. C’était le but, faire que l’art d’aujourd’hui se fasse léger, drôle, poétique, ouvert sur le monde, invitant à la liberté de la réflexion et à reposer des questions de valeur.
Dans l’histoire des arts, la sculpture moderne est devenue contemporaine quand on l’a descendue de son socle. 6M3 l’a remontée ! Avec son piédestal l’association a érigé des objets hybrides de l’art. Le socle matériel est en effet un marqueur ancien de la sculpture, celle-ci étant initialement destinée à affirmer l’immortalité, devant la finitude de l’existence de l’homme. Il n’est que de voir la présence des sculptures dans les lieux du sacré, où la pureté des formes et la dureté des matériaux sont utilisées pour défier le temps.
« L’invention de la sculpture fut la conséquence directe de la découverte de la mortalité humaine. Toute sculpture marque dans une certaine mesure le décès d’un être humain », affirmait en 1997 le sculpteur Carl Andre[1].
Mais là encore, 6M3 a pratiqué le contrepied en ne produisant que du temporaire, en représentant rarement des humains, en ne visant pas une confrontation avec la mort ! C’est de vie dont 6M3 parle.
Cependant, le Socle placé au milieu de la placette joue bien avec les attributs de la sculpture par ses volumes, ses rapports à la troisième dimension :
« C’est l’observateur qui change continuellement la forme en changeant sa position par rapport à l’œuvre » (Morris[2]).
« Chaque matière est une véritable histoire, elle suggère des formes et des songes dans lesquels l’artiste nous invite. Chaque procédé devient une véritable poétique formelle qui induit une métaphysique, une conception personnelle du monde et de soi. Et la sculpture, qu’elle soit murmure, secret d’atelier, décoration de jardin ou proclamation publique prenant place dans l’espace de la cité, est parole singulière, gigantesque construction ou petit caillou ou qui résiste au flux des images, souvent bidimensionnelles, qui nous assaillent et nous bercent. Le corps de la sculpture actuelle, de la sculpture contemporaine s’incarne dans cette exigence, cette tension, cette fragilité. » (Paul-Louis Rinuy, La sculpture contemporaine, 2016)
Les onze sculptures du Socle ont peu de choses à voir avec celles qui sont érigées traditionnellement sur l’espace public. Pas d’obligation à représenter un commanditaire, 6M3 est une association ; ce n’est pas l’expression d’un pouvoir absolu ou religieux comme à l’époque Baroque, l’église Saint-Merry à côté en est par contre une image convaincante, au contraire l’œuvre de Khaled Dawwa contestait ces pouvoirs ; si la Renaissance avait utilisé la mythologie et si la Révolution avait exprimé l’idéal démocratique, le Socle ne les écarta pas, mais porta un regard différent avec Pandore. À la différence du XIXe où la statuaire représentait les grands hommes ou donnait l’exemple du citoyen modèle, devenu l’auxiliaire de l’instruction laïque et obligatoire, le Socle a suscité implicitement le sens critique sur l’espace public d’aujourd’hui : aux lieux de consommation, il oppose la gratuité ; à l’uniformité il oppose la singularité ; à la vitesse de nos déplacements et à l’indifférence, il oppose l’invitation à l’arrêt ; il érige des questions sociales alors que l’on voudrait les voir disparaitre, comme avec les Habitants de Thibault Lucas.
Si l’on a dénoncé la sculpture contemporaine pour le vide de ses sujets, au contraire, Le Socle puise dans certains fondements de la statuaire pour insister sur des sujets très actuels, en proposant des résonnances formelles aux exigences spirituelles de notre époque.
Avec Hommage à Usain Bolt, on a un retour à la figuration du héros des temps modernes, celui qui est devenu un modèle pour les générations (notamment jeunes) : le sportif. Avec ses valeurs de courage, de patience, de résistance, il est l’équivalent des statues des hommes politiques du XIXe auxquels on rendait hommage. Il se situe à l’opposé de la statuaire de propagande qui exprimait formellement un idéal de perfection, où l’on exaltait une race lors de certains JO.
Avec Speakers Corner, une main émerge du socle et prône la valeur de la lecture dans l’expression de la liberté d’opinion. Le poing-livre comme résistance aux écrans, le livre comme moyen fondamental de l’échange démocratique.
Speakers Corner est ce lieu d’Hyde Park à Londres où chacun peut s’exprimer ou apostropher les passants, à partir d’un simple tabouret. En conséquence, l’œuvre du Socle sera sonorisée.
Ces deux œuvres viendront en point d’orgue à l’aventure du Socle, tandis que 6M3 s’efforce actuellement de trouver un autre usage à ce piédestal, qui est né dans l’univers de Saint-Merry en 2019.
« La sculpture n’est pas une question de matériau, de dimension ou de poids, c’est une question d’énergie. » disait le grand sculpteur espagnol Jaume Pensa (cité par Paul-Louis Rinuy).
Tout est énergie au Socle et à 6M3, c’est bien de la sculpture qui a été présentée aux passants, et que 6M3 vous propose de soutenir financièrement.
Lire les autres articles de la chronique « Interroger l’art contemporain »
[1] Andre (1997). Carl Andre Sculptor 1997, catalogue d’exposition. Marseille, Musées de Marseille. Cité par PL Rinuy
[2] Morris, Robert (1991). « Notes sur la sculpture » (1966). In Regards sur l’art américain des années soixante, anthologie établie par Claude Gintz. Paris, Territoires. Cité par PL Rinuy