L’aveugle sur le chemin de Bethléem
Erri De Luca, dans Au nom de la mère (traduit de l’italien par Danièle Valin aux éditions Gallimard en 2006) fait raconter à Miriàm/Marie son histoire, depuis l’Annonciation jusqu’à la Nativité. Un épisode de cette histoire se greffe et bourgeonne sur ces quelques versets de l’évangile de Luc :
En ces jours-là sort un édit de César Auguste : mettre par écrit le registre de tout le monde habité… Alors Joseph aussi monte de la Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, vers la ville de David qui est appelée Bethléem… pour se faire enregistrer par écrit avec Marie, celle qui est engagée avec lui. Elle attendait un enfant.
Lc 2, 1-4-5 – traduction Frédéric Boyer
« Il est long le chemin qui va de Nazareth à Bet Lèhem. Il y a deux routes pour aller au sud. L’une suit la vallée du Jourdain jusqu’à Jéricho puis monte à Bet Lèhem par l’est. Elle est plus courte, mais moins sûre à cause des brigands. L’autre enjambe les hauteurs du Carmel, traverse la Samarie par la plaine qui descend jusqu’à la mer et puis remonte vers la montagne de Judas.
(…)
Nous avons rencontré un aveugle guidé par un chien. Nous l’avons accompagné au village où il allait s’inscrire pour le recensement. Ce fut une courte déviation vers la mer. Ainsi l’ai-je vue de près et j’ai eu de la peine pour l’homme qui ne pouvait pas la regarder. Il a entendu mon soupir et il a deviné. Il a dit qu’il avait été pêcheur pendant trente ans et qu’il connaissait par cœur la mer et les mouvements qu’elle faisait. Il l’a décrite telle qu’elle était à ce moment-là avec sa couleur de foin frais qu’elle prenait sous la poussée du vent de terre. Iosef et moi étions émerveillés et nous avons souri avec lui.
Arrivé à destination, il a offert à Iosef des figues sèches et puis il l’a béni : “Toi qui aides quelqu’un qui est vu par les autres mais qui ne voit pas, puisses-tu recevoir l’aide de celui qui voit tout et qui n’est vu de personne”. »
Jean V.
