Guy Aurenche nous offre une lecture toute personnelle du dernier livre de François Cassingena-Trévedy Vers la joie et autres méditations, paru en novembre aux éditions Tallandier.
L’auteur est bien connu de notre communauté dont il suit l’aventure, depuis son ermitage.
Comme toujours avec lui, il convient de « laisser infuser », lire et relire ses textes afin d’en tirer tout le fumet original. La passion et l’émotion sont exprimées par son style à la fois précis, fleuri, imaginatif et savant. Cependant, je suis parfois resté sur ma faim… mais cette rencontre est féconde.
La joie
Comme il l’écrit lui-même, que dire aujourd’hui à propos de la joie ? N’est-ce pas scandaleux d’en parler ? « Notre monde est particulièrement triste ».
Et pourtant il ajoute : « La joie chevauche l’Histoire coûte que coûte ». Invités à distinguer le plaisir, le bonheur et la joie nous sommes invités à partir à la quête de celle-ci, de la dénicher là où elle se cache et où certains l’enferment. Quelques caractéristiques de la joie : profonde, à demeure, immanente au devenir du monde, généreuse, compatible avec la souffrance et spirituelle. Chacun pourra mettre du vécu sous ces adjectifs énoncés trop brièvement. Et à chacun de décider de se mettre en route : « Oh ma joie quand on m’a dit, allons vers la maison du Seigneur » (Ps 121).
Nature
Il traite ensuite de « la Nature entre nostalgie et espérance ». Des pages vraiment splendides, à forte résonance en ces temps « d’éco-anxiété ». « La Nature que nous éprouvions jusque-là comme une mère, comme un principe de naissance, ne serait-elle plus déjà entre nos bras qu’un enfant mort-né ? ». Pas de nostalgie champêtre. La Genèse « n’est pas notre préhistoire » mais notre à-venir. Invité à la regarder vraiment, l’homme devrait entretenir « un rapport nuptial avec la Nature », comme un jardinier amoureux et non un exploitant. L’auteur recommande, pour être en communion avec sœur Nature, de poursuivre notre perpétuelle humanisation. La Nature peut nous y aider et cela donne une autre dimension aux combats écologiques.
Cléricalisme
Dans des pages consacrées à « Quelques considérations sur le prêtre », il me semble que notre frère ne va pas assez profond lorsqu’il se contente de rappeler que l’opposition entre cléricalisme et anticléricalisme est réductrice. Il souligne la fonction de service du clerc et la diversité des ministères dans l’Église primitive telle que la décrit Paul de Tarse. Hélas, tant de dogmes ont, depuis ces temps, construit un personnage surplombant et coupé du monde ! « Un clerc sommeille en chacun de nous » alerte-t-il. Il rêve d’un prêtre comme un ami universel, un éveilleur, un passager pauvre.
Nous aussi !
Liturgie
Enfin, en grand spécialiste de la liturgie, François Cassingena-Trévedy se laisse aller : « Triste est mon âme » soupire-t-il à propos de la querelle entre ceux qui se prétendent « gardiens de la liturgie d’hier » et le texte du pape François, Traditionis custodes, qui les interpelle vigoureusement. « Que ce « sacré » ressenti dans certains rites ne nous fasse pas oublier une sacralité plus exigeante ». Il plaide pour une ritualité sobre et frugale. « Pourquoi ces sophistications cérémonielles face à la simplicité désarmante et féconde de l’homme de Nazareth ? ». Oui, une fois encore, retour à l’Évangile et à ses exigences.