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Pacte social pour la paix en RDC

Le 15 janvier dernier, à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, les églises catholique et protestante ont lancé le « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands lacs ». Vatican News en a fait un large écho, en soulignant l’urgence vitale, reprenant en cela les termes mêmes des églises précitées, devant « la catastrophe humanitaire aux conséquences incalculables » dans cette région tourmentée depuis plus de trois décennies.

La République Démocratique du Congo a une superficie de 2.345.409 km2, un pays immense, cinq fois la France. Elle partage ses frontières avec neuf pays : la République Centrafricaine et le Soudan du Sud au Nord, la République du Congo à l’Ouest ; le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi et la Tanzanie à l’Est ; l’Angola et la Zambie au Sud. Seul l’Est est secoué depuis plus de trois décennies. Pourtant l’accueil des peuples frères n’est pas une nouveauté au Congo.

Jadis avec l’Angola

L’expérience qui me vient en tête est le cas de nos frères angolais. Fuyant les atrocités de la guerre civile dans leur pays, ils ont trouvé refuge en RD Congo. Pendant des décennies, nos frères y ont vécu en harmonie avec les communautés locales. Dans certains villages, cinq ou six sur dix habitants pouvaient être angolais. Des couples se sont créés, des enfants sont nés entre angolais et congolais, et dans des familles angolaises.

Au lendemain de la guerre (début des années 2000), nos frères angolais ont regagné leur pays, emportant le souvenir de tant d’années passées ensemble, des moments de bonheur et d’inquiétudes partagés. Moment de bonheur et de tristesse. Bonheur de rentrer chez soi, pour y vivre l’inconnu de la vie. Tristesse de laisser derrière soi une histoire, des relations et des projets. Mais un départ sans effusion de sang, sans troubles, sans problème majeur. Sauf la promesse de se revoir, pourquoi pas, de se donner des nouvelles car la vie continue. Je signale ici qu’à cette occasion de nombreux congolais sont allés tenter « l’aventure » dans l’Eldorado angolais qui s’ouvrait.

Aujourd’hui avec le Rwanda

Les échos en provenance de l’Est de la RD Congo semblent tout le contraire. Le contexte sécuritaire de l’Est du Congo est de notoriété publique : à la suite de la destruction de l’avion du président rwandais en 1994, il va y avoir une période très critique au Rwanda. Forte de son hospitalité, et aussi à la demande de la communauté internationale, la RD Congo ouvre ses frontières pour accueillir les frères rwandais fuyant les hostilités en cours dans leur pays où l’on parle de centaines de milliers de morts.
Depuis lors, le camp de la mort a changé. Les rapports des Nations Unies et de nombreux spécialistes de la région sont multiples. Ils parlent de millions de morts, de vies fauchées -nombreux n’hésitent plus à parler de génocide du peuple du Congo-, d’une insécurité quasi permanente qui alimente le viol, du pillage des ressources et de l’accaparement des terres (parfois et ces derniers temps par des étrangers). Jusqu’en ce mois de mai 2025, le cycle de violences sur les populations congolaises continue. Évêques, prêtres, différents acteurs de la société civile et même il y a peu, le 22 février 2021, Luca Attanasio, ambassadeur d’Italie en RD Congo, sont morts à l’Est du Congo.

Mgr Christophe Munzihirwa –
Grentidez sur Wikicommons

Je rappelle ici l’assassinat de Mgr Christophe Munzihirwa (archevêque de Bukavu du 14 mars 1995 au 29 octobre 1996), assassiné le 29 octobre 1996 alors qu’il protégeait les rwandais poursuivis. Wikipedia dit de lui qu’il « restait la seule autorité à s’occuper du sort d’une population abandonnée à elle-même. Plus particulièrement lors de l’attaque de la ville de Bukavu et le début des massacres de réfugiés Hutu au Sud Kivu en RDC par l’armée de Paul Kagame, alors que tous les responsables des Nations Unies et du pays avaient plié bagages. Le soir de son assassinat, Mgr Munzihirwa venait de sauver des sœurs trappistines d’origine Tutsi, en les amenant en un lieu sûr. Le soutien moral et humanitaire de l’archevêque en faveur des réfugiés contrariait le gouvernement rwandais du FPR. Ce qui explique pourquoi Mgr Munzihirwa et les missionnaires espagnols furent la première cible du commando armé qui a attaqué la ville de Bukavu et les camps des réfugiés Hutu. »

C’est vrai qu’aujourd’hui bien des initiatives (de la société civile à la classe politique, du monde des affaires aux hommes de bonne volonté) sont mises en place pour tenter de trouver une solution efficace et solide au drame qui secoue l’Est de la RD Congo. Le Dr Mukwege en est une de ces figures. Au Sénat français, on a vu des séances consacrées au drame du Congo. Le gouvernement, par la voix du Ministre des Affaires étrangères et de l’Europe a appelé à la désescalade. Des parlementaires aussi prennent position et affichent leur soutien pour la paix au Congo. Au Parlement européen, des parlementaires français éclairent sur le chaos à l’est du Congo et dénoncent l’injustice que subit la RD Congo. Le Congo profond applaudit, « assuré de l’intérêt et du soutien » de la France. Le Congo est tout de même un de plus grands pays francophones du monde. « Ôtez vos mains du Congo » avait dit le pape François à Kinshasa. Un concert en faveur des enfants victimes du conflit à l’Est du Congo a été programmé à Paris en avril dernier. Reporté, après polémiques, il a finalement eu lieu.

Place Munzihirwa à Nyawera dans la ville de Bukavu – Cngakani sur Wikicommons

Des pourparlers entre le gouvernement congolais et rwandais sont en cours, sous l’égide de l’Angola, du Qatar, de la France et de bien d’autres pays. Après de multiples tergiversations, le gouvernement congolais a accepté de négocier avec les rebelles qui sévissent à l’Est du pays (aussi les traite-t-on de pantins des Rwandais).

L’espérance en 2025

Face aux sombres perspectives, en cette année du jubilé de l’espérance, tout en saluant et en encourageant tous ces efforts, les églises catholique et protestante invitent les peuples et les états de la sous-région à œuvrer pour la coexistence pacifique et solidaire et leur permettre ainsi une autodétermination en tant que « peuples du berceau de l’humanité ».
Elles appellent de tous leurs vœux la culture du bon voisinage transfrontalier comme base d’un développement de la sous-région, sans effusion de sang. L’invitation au dialogue qu’elles lancent est un retour aux traditions ancestrales, avec la place centrale de l’arbre à palabres pour régler les différends, dans le respect mutuel, sans chercher à supprimer l’autre « pour s’assurer de son bonheur et de sa paix ». Conscientes de leur mission prophétique, les deux églises lancent de tous vœux cet appel au « Pacte social pour la paix et le bien vivre-ensemble en RDC et dans les Grands lacs ». C’est un projet de sortie de crise qui nécessite un réel consensus national pour faire face aux défis qui secouent le pays. Les églises catholique et protestante voudraient faire de cette année 2025 une année de la paix et du bien-vivre ensemble en RD Congo et dans les Grands Lacs.

Après avoir présenté leur document au Président Félix Tshisekedi, les deux églises vont à la rencontre de la classe politique congolaise, des membres de la société civile du pays, et des dirigeants politiques de nombreux pays (dont le Rwanda, l’Ouganda, le Congo Brazza, la France, le Vatican, les USA et autres) et responsables des institutions internationales.

D’un avis personnel, je pense que le dialogue permettra au pays, en interne, de jeter les bases d’une nouvelle gouvernance qui ouvre à un état de droit et renforce son autorité sur l’ensemble du territoire. Ce pouvoir devra mettre en place des programmes de développement dans tous les secteurs, et au profit de tous. Tout le monde s’accorde pour dire que les ressources dont dispose le pays peuvent y contribuer efficacement.

Que 2025 soit une année de paix et du bien-vivre ensemble
en RD Congo et dans les Grands Lacs.

José Égilde Mandiangu

Lien vers l’article de Vatican News ICI

CategoriesActualité

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