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Le synode allemand nous ouvre la route

Le synode allemand vient de tenir sa troisième rencontre plénière, dans une ambiance houleuse. Grâce à son mode de fonctionnement exemplairement démocratique, au sens de l’organisation de l’Église allemande et au vrai statut de la parole des laïcs outre Rhin, c’est un vrai service qui est rendu à l’Église universelle, une route qui nous est ouverte à tous.

Nous vous avons déjà donné des nouvelles du synode allemand, – pourquoi et comment il se déroule, indépendamment du chemin synodal mondial initié par le pape François (voir https://saintmerry-hors-les-murs.com/2021/06/22/dun-hemisphere-a-lautre-diversite-de-la-synodalite/ )

Grâce à l’excellent compte-rendu de Jérôme Vignon, observateur français et représentant de Promesses d’Église, nous pouvons en communiquer un nouveau point d’étape, car voici qu’il vient de tenir, ce printemps, sa troisième rencontre plénière, dans une ambiance houleuse : les laïcs allemands réclament que les instances ecclésiastiques leur disent enfin la vérité, notamment sur les abus sexuels ; alors que de son côté le pape François se méfie de ce synode indépendant du « sien », et de pratiques trop … démocratiques. L’évêque qui le co-préside avec une laïque (!), Georg Bätzing, semble un modèle de diplomatie, puisqu’il a obtenu la création d’une instance chargée de s’assurer que le synode allemand ne prendra pas toute la chrétienté de court en proclamant ses résultats et préconisations avant tout le monde, mais rejoindra la démarche mondiale à son rythme, – tout en gardant la double confiance des catholiques allemands et du pape.

Grâce à son mode de fonctionnement exemplaire, trois textes majeurs sont adoptés à une large majorité, dont deux tiers des évêques : le texte général d’orientation, intitulé « Chemin de conversion pour un renouveau de l’Église », qui explique dans quelles conditions les « signes des temps » peuvent être considérés comme une source théologique, avec l’Écriture, la Tradition et l’enseignement magistral de l’Église, et comment celle-ci peut se réformer en Allemagne sans toucher au droit canon ; un texte dit « Répartition du pouvoir et de la décision », qui évoque la notion de coresponsabilité (chère au cœur des saintmerryens) face à l’autoritarisme anachronique des institutions ecclésiales catholiques dans notre monde contemporain, et en corollaire un texte proposant un mode de consultation des laïcs pour la désignation des évêques ; enfin un texte sur la place des femmes et leur égale dignité dans l’annonce de l’Évangile et donc les fonctions et ministères d’Église,-  vote qui fut parait-il très longuement applaudi.

Par ailleurs, trois textes d’application sont votés sur le thème « L’existence du prêtre aujourd’hui » : l’un propose d’ouvrir d’autres options que le célibat obligatoire ; un autre s’intéresse à la double formation personnelle et professionnelle des clercs, en particulier à celle des évêques ; le troisième traite de la prévention des abus sexuels. Concernant la vie des couples, pour laquelle quatre textes sont proposés au vote, les tensions sont palpables entre ceux qui demandent juste plus d’explications de la doctrine de l’Église, et ceux qui pensent les propositions d’Humanae vitae ou les propos sur l’homosexualité tout bonnement incompatibles avec la vie des « vrais gens » ; les textes votés sont une demande argumentée au pape de réviser la doctrine de l’Église sur ces questions – comme le dit ce cher cardinal Marx, que nous remercions d’exister : « le catéchisme catholique n’est pas le Coran ».

Jérôme Vignon, dans son compte-rendu, se dit émerveillé par la créativité qui émerge des échanges et de l’écoute respectueuse, et la façon dont toutes les propositions sont étayées par des fondements théologiques et évangéliques. Il va maintenant s’agir que ces avancées dynamiques du synode allemand ne crispent ni le Vatican, ni l’Église universelle : pour moi, ce travail est bénéfique à tous, car la façon dont les débats sont organisés, la participation des évêques, les hauts pourcentages avec lesquels les propositions sont adoptées, donnent une légitimité certaine à ce travail de titan, qui ne peut en aucun cas être considéré comme les lubies de quelques laïcs excités. Par ailleurs, les catholiques allemands ne décident pas dans leur coin une nouvelle façon de fonctionner en Église chez eux : ils émettent des propositions humainement argumentées et étayées théologiquement, qu’ils livrent à l’examen du pape. Comme ils ont pris les moyens de couler leur démarche spécifique à l’Allemagne dans le chemin synodal commun ouvert par François, on espère vivement que le pape tiendra d’autant plus compte de ces réflexions si riches, permises par l’efficacité extraordinaire de cette Église prospère et organisée, dans laquelle les laïcs ont su depuis longtemps exister et prendre la parole. Merci à eux pour leur travail, wirklich, vielen Dank !

Blandine Ayoub

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Blandine Ayoub

Née au moment du Concile Vatican II, elle est impliquée depuis près de 40 ans dans la communauté de Saint-Merry, tout en cultivant un tropisme bénédictin, grâce à son père moine de la Pierre-Qui-Vire. Par son mariage avec un Alepin, elle a également adopté la Syrie comme deuxième patrie. Elle est responsable d’un centre de ressources documentaires dans un centre de formation professionnelle de la filière éducative et sociale.

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