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Célébrer Pâques hors les murs

Célébrer Pâques hors les murs

Fêter Pâques en 2021 fut pour moi une vraie résurrection, après une année « sans » pour cause de confinement national, et un carême qui a vu notre communauté de Saint-Merry se faire « dissoudre » sans préavis par notre évêque. Mes horaires professionnels ne m’ont pas permis de m’associer aux offices fraternellement accueillis en journée, jeudi et vendredi saints, à Notre-Dame-des-Anges, mais les Zooms proposés le soir ont largement rassemblé les membres de notre communauté, dans une atmosphère recueillie et très participante. J’ai aimé les longs partages d’intentions de prière libres, entrecoupés de musiques inspirantes et de visuels évocateurs ; j’ai aimé voir tous ces visages connus, ou d’autres dont je découvrais enfin les noms grâce au logiciel, et dont je voyais certains chanter (micros coupés) sur les refrains retransmis par YouTube ; j’ai aimé le Notre Père dit très lentement, pour compenser les légers décalages de transmission entre ces dizaines de participants, qui avaient pour s’entendre après avoir rebranché leurs micros ; j’ai aimé aussi les préludes où on se salue et où on apprend à certains à régler leurs ordinateurs, et les prolongations où on se donne des nouvelles, comme on pouvait bavarder entre les piliers de l’église après la messe.

Le matin de Pâques, nous sommes allés en famille dans la paroisse parisienne d’une de mes filles (à un horaire différent du sympathique accueil proposé à notre communauté SDF par celle de Notre-Dame d’Espérance). L’assemblée, chaleureuse et participante, aux chants bien animés, n’était pas tellement plus jeune que la nôtre, même s’il y avait aussi quelques familles avec enfants, mais elle était sociologiquement plus diverse, avec des dames antillaises à jolis chapeaux et ma voisine de banc africaine en boubou qui dansait de joie pour le chant de sortie. Cela m’a fait plaisir de participer à une célébration eucharistique, dont nous sommes sevrés depuis plusieurs semaines, et de pouvoir le faire en famille à l’occasion de cette fête de la Résurrection. Mais ce qui m’a vraiment manqué, c’est que le vaste monde est largement resté à la porte de la célébration, comme souvent dans les églises. Il y a bien eu une intention de prière évoquant le Covid et ses conséquences économiques, mais l’ensemble des paroles prononcées est resté très théologique et cathocentré : l’homéliste nous a dit que la résurrection changeait nos vies, mais il s’est bien gardé de dire en quoi. Nous avons prié pour les baptisés de l’année sur la paroisse – mon petit-fils de 6 mois qui était là en faisait partie – mais nous n’avons parlé ni de l’Asie, ni de l’Afrique, actuellement à feu et à sang ; ni du drame social que vivent beaucoup de nos concitoyens ; ni des réfugiés, ni des SDF, ni des étudiants en galère ; j’arrête là ce début d’énumération, dont je suppose qu’il avait été plus présent au cours de la grande prière universelle du vendredi saint l’avant-veille.

Je pointe juste que c’est quelque chose d’essentiel pour moi dans nos célébrations de Saint-Merry, dans ou hors les murs : que le grand vent du monde extérieur souffle largement à travers toute la célébration, depuis nos échanges sur les textes bibliques jusque dans les préfaces de nos prières eucharistiques. Et bien sûr, m’ont aussi manqué la diversité et la richesse des interventions polyphoniques de laïcs pour commenter et éclairer les textes, à la lumière des témoignages sur leurs vies et leurs engagements : cultivons ces talents communautaires, mes bien chers sœurs et frères ; car comme nous l’ont redit les centaines de courriers de soutien reçus suite à notre dissolution d’entre les murs, ils font le sel de nos rencontres, ce sont des trésors à partager et à répandre, qui contribuent à promouvoir un autre visage d’Église.

Blandine Ayoub

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Blandine Ayoub

Née au moment du Concile Vatican II, elle est impliquée depuis près de 40 ans dans la communauté de Saint-Merry, tout en cultivant un tropisme bénédictin, grâce à son père moine de la Pierre-Qui-Vire. Par son mariage avec un Alepin, elle a également adopté la Syrie comme deuxième patrie. Elle est responsable d’un centre de ressources documentaires dans un centre de formation professionnelle de la filière éducative et sociale.

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