Tuer un homme, au nom de Dieu qui plus est. L’Histoire est remplie de ces épisodes féroces et tragiques. Mais « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une idée. C’est tuer un homme », disait le théologien protestant Sébastien Castellion. Ce cri résonne à nouveau avec force, après l’ignoble exécution de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois-d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 16 octobre 2020. Chronique d’Alain Cabantous du 18 octobre 2020
Nous vous proposons les articles de cette chronique effacés de notre ancien site par décision de l’archevêque de Paris.
On peut mourir d’enseigner.
Mourir à petit feu, en silence, de désillusion en dépression.
Mourir désormais à cause de la cruauté indicible, de l’aveuglement sans limites, de la haine rassie et entretenue qu’un couteau de boucher vient de délivrer en tranchant une gorge.
En coupant une tête. Celle d’un professeur qui, jusqu’à hier, avait parlé, montré, donné à voir et à lire, ouvert une discussion pour faire comprendre, pour éduquer à la liberté.
La liberté de discerner, d’analyser, d’entendre, d’écouter l’autre tout simplement.
Tuer un homme, au nom de Dieu qui plus est. L’Histoire est remplie de ces épisodes féroces et tragiques pour un croyant. Et celle de l’Europe, comme un sanglant réservoir qui devrait tenir en alerte permanente nos consciences contemporaines. Les guerres de religion, celles des XVIe et XVIIe siècles en particulier, mais pas seulement elles, ont donné lieu à de terribles atrocités. Les questions légitimes sur la virginité de Marie, sur l’efficience du culte des reliques ou sur les douteuses inventions accompagnant le culte des saints ont couvert tant d’actes barbares, tant de massacres au sein d’une Chrétienté qui mélangeait sans complexe Dieu et César. Dieu évidemment instrumentalisé par les Césars de tout acabit.
Même si nous n’en sommes plus tout à fait là, même si la tolérance ne sert plus de qualificatif pour désigner les maisons de passe, même si la laïcité tente heureusement de protéger chaque jour un indispensable vivre-ensemble, personne n’est à l’abri lorsque l’idéologie criminelle submerge des consciences et trouve des esclaves pour bafouer la fraternité, inciter à la provocation pour attiser la peur de l’autre et en appeler au meurtre.
« Tuer un homme, ce n’est pas défendre une idée. C’est tuer un homme ».
Sébastien Castellion (1515-1563)
Cette phrase du théologien protestant Sébastien Castellion (1515-1563) résonne à nouveau depuis le 16 octobre 2020, douloureuse et répétitive, après l’ignoble exécution de Samuel Paty.
Comme une blessure sans cesse ravivée. Ne pas désespérer pourtant. Surtout. Car c’est ce qu’ils attendent.
le 18 octobre 2020