Le Dieu.e auquel je pense croire,
                                                              espère croire,
                                                                                         ne sais pas croire

  • C’est un Dieu.e qui ne m’appartient pas
    Un Dieu.e qui ne ressemble pas au Dieu.e de mon imagination. 
    Un Dieu.e qui n’est pas celui auquel j’aurai, par habitude et facilité, transmission ou observance, envie de croire : un Dieu.e des savoirs et du devoir ; un Dieu.e qui me dit le vrai, le bon, le juste, qui dit la loi… ; un Dieu.e qui sait tout, voit tout ; un Dieu.e tout puissant, souverain dominant les astres et toutes les forces de l’univers ; un Dieu.e enveloppant, rassurant, sécurisant, magique … omnisens et omnipotens.
  • C’est un Dieu.e que j’ai besoin d’imaginer et qui, scandaleusement, me résiste, se dérobe
    à ce que je crois savoir de lui, à mes projections et inventions, mes chantages, mes prières insistantes et intéressées, mes exigences de nouveau Didyme, mes sommations d’éternel Thomas. Un Dieu.e dont l’image est aujourd’hui en miettes.
  • C’est un Dieu.e dont la première chose que je dois savoir de lui n’est pas qu’il existe
    mais d’abord qui il est. Ce Dieu.e est Jésus-Christ, qui vient à nous
    et bouscule notre capacité plus ou moins grande à le concevoir.
  • C’est, en dépit de tout ce qui m’en retient et m’en empêche dans une Église qui
    – à vouloir l’instrumentaliser, s’en faire le porte-voix, le gérant, le gardien, l’inquisiteur –
    m’en éloigne, un Dieu.e qui crée et s’en remet à Adam pour nommer toutes choses, exister.
    Un Dieu.e qui ne trouve rien de mieux que de se retirer, de se reposer après avoir créé… 
  • C’est un Dieu.e qui ne répond pas aux questions de Job ;
    un Dieu.e qui ne se fait connaître que par quelque chose d’impalpable : le verbe, la parole ;
    un Dieu.e qui a pris chair humaine ;
    un Dieu.e qui n’est jamais là où on l’attend ;
    un Dieu.e qui n’a pas où reposer la tête ;
    un Dieu.e qui fréquente des sans-nom, des sans-voix, des misérables, des transparents,
    des laissés-pour-compte… ;
    un Dieu.e qui n’a pas de troupes, de courtisans zélés, de factotums empressés, de service de com, de directeur de cabinet  ;
    un Dieu.e qui meurt de mort atroce ;
    un Dieu.e qui dit qu’il ne répugne pas à descendre dans nos enfers ;
    un Dieu.e qui laisse un tombeau vide ;
    un Dieu.e qui réapparaît fugitivement et qui n’est pas reconnu…
    un Dieu.e qui disparaît, se sépare, s’échappe, laisse ceux qui l’ont suivi
    avec une simple promesse…
    un Dieu.e finalement qui dit qu’il est bon qu’il s’en aille et ne laisse de lui qu’une trace,
    qu’une empreinte, que des témoignages fragiles…
Photo Jackson David sur Unsplash

Je veux croire en ce Dieu.e insaisissable, déroutant,
                                                    dérangeant, provoquant

En ce Dieu.e qui renonce à sa toute-puissance, veut être inutile, faible, pauvre impuissant.
En ce Dieu.e qui veut être absent parce qu’il a une haute opinion de l’homme. 
En ce Dieu.e dont je fais mémoire au travers d’évènements – crucifixion, résurrection et ascension – qui tournent tous les trois autour de l’Absence. 
En ce Dieu dont la Présence est absence.
En ce Dieu.e qui ne dit pas que l’homme est fait pour Dieu.e comme nous osons encore dire
parfois sans faire attention à ce que nous disons que la femme est faite pour l’homme…
Un Dieu.e qui ne dit pas que l’homme n’existe que par lui mais qu’il a un destin semblable au sien, une histoire hors du commun.  
En ce Dieu.e qui me veut – nous veut – libre, qui ne veut pas que je dépende de lui, lui soit soumis, ne veut pas d’une relation qui aurait quelque chose d’obligé, de contractuel, de toxique.
En un Dieu.e qui nous regarde comme semblable à lui, mieux, qui nous sait ses semblables.
En ce Dieu.e qui sait que comme lui, avec lui, nous sommes capable d’être créateur du beau,
du vrai, du juste… d’une humanité et d’un cosmos refondés, nous sait, grand, « ressuscité » et « ressuscitant », capable d’écrire notre vie.

Je veux croire en ce Dieu(e), père et mère,
masculin et féminin,
qui crée, se retire et nous laisse aller plus loin,
nous laissant dire
un peu comme dans la chanson [1]Je vole (Michel Sardou) :

Je pars
Je vous aime mais je pars
Vous n’aurez plus d’enfant.
Ce soir
Je ne m’enfuis pas je vole
Comprenez bien, je vole
Sans fumée, sans alcool
Je vole, je vole
.

Photo-Dibakar-Roy-sur-Pexels

Je veux croire en ce Dieu fait homme et prenant le nom de Jésus

Semblable et différent, confronté lui-même à l’absence, au silence,
à l’impuissance au jardin des Oliviers…
Ce Jésus qui a franchi les frontières du malheur, de la finitude, de la mort, du néant.
Ce Jésus qui se retire et ne veut plus se laisser voir que chez le petit, le faible, l’opprimé, le malade,
le prisonnier, l’étranger, le tombé dans les abîmes… que dans les abîmés de la vie qui sont ses frères, ses proches et qui sont le sel de la terre. 

Je veux croire en ce souffle qu’on nomme Esprit

Cette juvénilité qui nous rappelle ce que nous sommes,
ce souffle qui traverse notre angoisse paralysante,
nous fait respirer l’air libre et dégage nos horizons.

Je veux croire en une Église du compagnonnage

Une Église qui retient la place de l’Absent sans l’occuper, qui ose dire qu’elle n’est pas propriétaire
de Dieu.e et encourage à le chercher hors de ses murs.
Une Église qui sait que le salut habite les enfers et les désespoirs des cœurs et du monde,
nos angoisses et nos anéantissements.
Une Église qui refuse de s’installer, ose s’aventurer hors d’elle-même pour mieux accompagner
la « sequella Christi » de tant d’hommes et de femmes…
Une Église du repentir, de la réforme, du compagnonnage…
Une Église qui sait qu’il lui reste beaucoup à faire pour vivre devant et avec Dieu.e :
fragile, incertaine, humble, espérant seulement ne plus être séparée de Dieu.e…
Une Église qui est un lieu où le croire peut s’exprimer en divers récits,
libres, balbutiants, risqués, pauvres, timides, empruntés mais brassés de vie.
Une Église qui me transmet textes, récits, dits, mémoires, légendes, saga, on-dit, paraboles,
miracles, témoignages, gospels, dissertations qui, en parlant de Dieu.e, tentent de manière provisoire et toujours à reprendre de raconter ce qu’il a éveillé, et placent tout ceci dans le champ de l’« invocatio », de la prière.
L’intelligence de la foi, la théologie devenant alors discours à Dieu plus que discours sur Dieu.

Je veux croire et je doute. 
Je veux croire et espère croire. 
Je veux croire et ne sais pas croire. 
Je veux croire et j’ai besoin d’entendre
ce que se risquent à dire sans suffisance, mais libres,
celles et ceux qui mystérieusement sont habités
par l’espoir d’une vie plus grande,
pas plus pourvue, pas plus successful, mais plus grande.

CategoriesTémoignages

Notes

Notes
1 Je vole (Michel Sardou)
hpcanette
Patrice Dunois-Canette

Journaliste, secrétaire général d’associations et fédérations de presse catholique, co-fondateur des Journées d’études François de Sales, Chargé de mission cabinets ministériels, co-fondateur et co-directeur de Question Croyance(s) & Laïcité - QCL. Retraité.

  1. Jacques Clavier
    Jacques Clavier says:

    Je crois l’Église Une (plurielle), Sainte (humble), Catholique (juste comme justesse et comme justice) et Apostolique (contagieuse).

    Dieu crée l’existant comme la mer fait les continents, en se retirant (d’après Friedrich Hölderlin (XIXe siècle) ; la Seigneurie [souveraineté] du Christ élevé de terre, comme « effacement » ; là, « le lieu du pouvoir est vide » ; un public se doit d’impliquer les vaincus et les pauvres, les générations futures et les non-humains qui peuplent Gaïa. (d’après Gaël Giraud)

  2. Metzger Michel
    Metzger Michel says:

    Merci Patrice pour le partage de ton rêve qui ressemble à une liste de cadeaux demandés au Père(.e) Noël.
    De mon coté je me détache d’un anthropomorphisme quand je pense à Dieu. J’écrirai Dieu.X plutôt que(.e). Pour moi, il ne voit pas, ne pense pas, ne marche pas et n’a pas de genre et c’est important.
    D’autre part peux-tu me dire si vraiment pour toi Jésus est Dieu.e dans ce cas tu devrais écrire Jésus.e . Excuse cette provocation. Plus sérieusement Jésus pour moi est homme, incarnation de la parole. S’il n’est homme il ne peut incarner le souffle divin et s’il est Dieu, Dieu n’est pas le tout autre.
    Merci pour ce que tu as provoqué comme interrogation chez moi.

    1. DRISIN Philippe
      DRISIN Philippe says:

      Bonjour,
      En lisant votre texte, j’ai d’abord cru que j’étais à des années lumière de votre pensée. Puis en continuant, j’ai reconnu une base partagée, en particulier le désir de croire en Dieu qui -cependant- se retire du monde..
      Alors j’ai écrit un petit livre ” Dieu a-t-il un plan ?” qui, à partir de cette même base, développe une architecture différente, mais dans laquelle Dieu a toute sa place, différente de celle que nous proposent les Eglises, mais qui préserve le grand espoir de l’homme qu’est la vie éternelle.
      Si vous êtes intéressé, je suis prêt à vous adresser un exemplaire (ou vous pouvez l’acquérir sur FNAC.fr)
      Philippe

  3. HB Prunier
    HB Prunier says:

    Désolé mais ce Dieu.e en écriture inclusive m’est insupportable et m’a profondément perturbé pour une lecture apaisée de ce texte qui encourage la méditation et la prière

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