Israël, Gaza, Ukraine, Arménie, Mali. Et c’est une fois encore Caïn contre Abel, toujours la voie de l’assassinat, individuel ou collectif. Que faire pour que demain soit autre chose que la répétition mortifère d’hier ? La chronique d’Alain Cabantous
Totalement impossible pour moi de trouver ces derniers temps un événement qui renvoie au passé sans rencontrer le sang, l’effroi, l’horreur à jets continus entre les mots et les images. Israël, Gaza, Ukraine, Arménie, Mali. Succédant aux massacres, les vengeances engendrent, sans fin et sans pardon, des drames profonds, ces drames devenus une matrice d’où surgiront des massacres comme dans un tourbillon mortifère que nul ne semble plus pouvoir arrêter.
Pour conclure une nouvelle fois que le passé a encore de l’avenir, fallait-il invoquer, mobiliser même, parmi des centaines, voire des milliers de faits, la prise de Jérusalem en 1099, le saccage de Byzance en 1204 encore par les Croisés, le massacre des « Albigeois » en 1209, l’épopée sanglante de Tamerlan, la sauvagerie coloniale européenne aux Amériques, les guerres de religion du XVIe siècle, les ravages du Palatinat par les armées de Louis XIV en 1689, la terreur de la Révolution culturelle de Mao et celle des Khmers rouges, le génocide du Rwanda et plus encore la Shoah, ETC., ETC., ETC. ? Alors comment croire que nous pourrions être capables de tirer les leçons de l’Histoire, bâtie en partie sur des amoncellements de corps mutilés, de corps déshonorés, de corps dépecés ? De ces corps suppliciés d’où les bourreaux veulent éradiquer toute trace d’humanité.
Épisodes multiples et sanglants qui permettraient d’affirmer, impuissants, que, oui, effectivement, le passé a encore de l’avenir dans ce domaine ! Portée par un pareil contexte, toute chronique de ce genre devient présentement totalement vaine. Certes l’histoire ne se repaît pas seulement d’événements écrits avec le sang et c’est heureux. Mais l’attrait pour « la beauté du mort » touche si souvent, trop souvent, comme en cet automne 2023, aux limites de l’insupportable barbarie.
Et c’est une fois encore Caïn contre Abel, toujours la voie de l’assassinat, individuel ou collectif, au nom de la terre convoitée, de la sauvegarde du « sacré », de la défense de Dieu, le pauvre, manipulé de façon perverse et meurtrière, mais désormais le tout à la puissance n +1. Autant de luttes fratricides, inlassablement inachevées, que les recherches et les écrits des historiennes et historiens ne parviennent pas, au moins, à faire comprendre pour tracer autant de mises en garde. Il se trouvera toujours des individus pour affirmer que l’attitude des protestants français justifiait au minimum les massacres de la Saint-Barthélemy, que les chambres à gaz étaient un point de détail de l’histoire, que la destruction des Twin Towers fomentée par Al-Qaida était un coup préparé par le gouvernement américain en lien avec la C.I.A. Et face à l’usage compulsif des réseaux sociaux, véritables défouloirs de haine et de mensonges, de photos truquées, de dénonciations ad hominem, d’appels au meurtre, de menaces complotistes et d’invectives racistes en tout genre, que faire pour que demain soit autre chose que la répétition mortifère d’hier ?
Difficile de ne pas décourager les lanceurs d’alerte qui se réfèrent fidèlement au passé afin de comprendre aujourd’hui. Difficile aussi d’inciter nos concitoyens à relire l’histoire et d’en tirer des leçons pour tous devant les légitimes émotions, les dégoûts et l’impuissance qui saisit face à l’horreur indicible en perte d’humanité. C’est le présent, donc l’immédiateté permanente qui mène le monde, faisant se succéder une tragédie à une autre. Pourtant, cette fois hélas pour le pire, le passé a encore de l’avenir.
Israël, Gaza, Ukraine, Arménie, Mali. Et c’est une fois encore Caïn contre Abel, toujours la voie de l’assassinat, individuel ou collectif. Que faire pour que demain soit autre chose que la répétition mortifère d’hier ? La chronique d’Alain Cabantous
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“Que faire pour que demain soit autre chose que la répétition mortifère d’hier ? Me demander quelle place est faite à la beauté et à l’ordre et à la façon de concevoir l’une et l’autre ? « ¡Mueran los intelectuales ! » ou, selon les versions, « ¡Muera la inteligencia ! » (l’ordre), ainsi que « ¡Viva la muerte ! » (la beauté) ?