La messe

Dimanche, 10 h 20 : irai-je à la messe aujourd’hui et où ? Regarderai-je l’office à la télévision ? Participerai-je à la célébration de Saint-Merry Hors-les-Murs ?

Les cloches de ma petite ville sonnent. À 200 m de chez moi, il y a messe à l’église paroissiale. Allons-y pour profiter de cette proximité. Je m’installe près d’un haut-parleur car mon audition d’homme âgé laisse à désirer. Et tout de suite, j’entends de la théologie : « Au nom du Père, du fils et du Saint Esprit ». Le dogme de la Trinité. De quand date-t-il ? ^[1]381, concile de Constantinople.

Les prières commencent mais moi, je regarde les magnifiques vitraux du XV^e siècle. Des générations de chrétiens sont venues dans cette église où La Fontaine s’est marié en 1647. On a tout dit des errements des églises chrétiennes au fil des siècles : inquisition, cléricalisme de pouvoir, affaire Galilée, dogmatisations à outrance, culpabilisations, aliénations etc. Pourtant, c’est grâce à la structure ecclésiale que le message et l’histoire de Jésus se sont transmis jusqu’à nous, jusqu’à moi.

Lectures de la Bible, épître, je n’entends pas bien. À la fin, la lectrice annonce « Parole du Seigneur ». S’agit-il vraiment de la vraie parole de Dieu ? Les musulmans pensent pareil avec la lecture du Coran.
Je regarde l’assemblée, beaucoup de personnes âgées mais aussi des gosses que je regarde tendrement et qui jouent.
L’évangile est lu par le prêtre, c’est comme ça. Je m’interroge : de quand date la sacralisation des prêtres ?^[2]Le concile de Latran (1215) décida que seuls les prêtres pouvaient consacrer le pain et le vin. Au temps des premiers chrétiens, il présidait juste les assemblées.
Le jeune prêtre lit son sermon les yeux baissés, je ne le blâme pas. Il a vingt paroisses et s’il fallait qu’il invente à chaque fois, ce serait surhumain. J’écoute avec mes oreilles défaillantes, griffonne quelques mots qui me parlent pour m’en souvenir après la messe.

Credo. Je sais qu’il a été institué par le concile de Nicée.^[3]Nicée, actuellement Iznik, en Turquie. Le concile eut lieu en juin 325 sous la férule de l’empereur Constantin. Je le récite machinalement mais j’essaye aujourd’hui de discerner ce qui est de l’ordre de la croyance (je crois que…) et ce qui est de l’ordre de la foi (je crois en… j’ai confiance en…) C’est révélateur !
C’est le moment du « canon ». Je me repose, somnole : je sais par cœur ce qu’il faut dire à tel moment, je l’ai appris étant enfant. Gestes rituels, prières rituelles qui seraient absolument incompréhensibles pour des gens sans culture chrétienne. Décorum : l’aube du prêtre, l’autel, le cierge pascal…
On chante. Je fredonne, tout cela est familier.

Consécration, je m’interroge. L’hostie contient-elle la « présence réelle » de Dieu ? Le protestantisme croit que non. Encore un dogme qui date lui aussi du concile de Nicée.
Dogme = croyance. Une croyance, c’est quelque chose que l’on pense vrai mais qu’on ne peut pas prouver. Ou pas vrai, ce qu’on ne peut pas non plus prouver.
J’aimerais cesser de me demander si c’est vrai ou pas. Mais par quoi remplacer ? Vous avez une idée ?

La forteresse de mes dogmes a subi le tir aux boulets rouges de la modernité. Que me reste-t-il ? Un noyau essentiel : le mélange d’une croyance (Jésus est vraiment ressuscité) et de ma foi (j’ai confiance en lui).

François Delivré