Cher Jules, Saliège de ton nom,
tu étais archevêque de Toulouse dans une période particulièrement sombre de l’histoire du siècle dernier. La France était alors dirigée par un régime autoritaire, raciste, antisémite, collaborant avec l’occupant nazi. Dans ce temps d’effondrement spirituel planétaire, avec une lucidité toute évangélique, tu as été le premier évêque d’une Église catholique servile, à refuser de te taire, d’être complice d’actes appelés plus tard crimes contre l’humanité.
Le 23 août 1942, tu feras lire, par les curés de ton diocèse lors de la messe dominicale, la Lettre pastorale : Les Juifs sont nos Frères : « Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier… ».
Le 16 juillet 2022, 80 ans après tes paroles de feu, d’humanité, d’amour, cher Jules, ta Lettre pastorale sera lue dans toutes les synagogues de France. Le 15 août de la même année, suite à l’initiative du grand rabbin de France, le président de la Conférence des évêques de France (CEF) d’alors propose aux évêques de faire lire cette lettre dans toutes les églises de France.
Aujourd’hui, mon cher Jules, l’histoire bégaie, un nouvel effondrement spirituel planétaire sanglant s’invite sur nos écrans dans sa version paroxystique en Palestine-Israël mais pas seulement. Aujourd’hui, le mensonge, la haine et la violence semblent remplacer de nouveau, dans les consciences, les paroles et les actes, la vérité, la justice et la paix. Alors comment ne pas rêver d’une Lettre pastorale qui serait écrite par l’actuel confrère-président de la CEF, d’un nouveau cri de lucidité évangélique, de refus de complicité avec la haine et le meurtre ; une Lettre qui dirait :
« Nous, êtres humains, juifs, musulmans, chrétiens, agnostiques, athées, animistes … formons une seule et même famille.
Palestiniens, Israéliens sont nos frères.
Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et durable,
la vérité, la justice et la paix au Proche-Orient ! »
Et pourquoi ne pas conclure cette lettre en proposant un geste de résistance non-violente, spirituelle et citoyenne, l’organisation de Cercles de Silence, tous de blanc vêtu, à la sortie des offices, pour réveiller les consciences ? Cher Jules, trente-trois ans après ta naissance au ciel, en 1989, un tel geste citoyen de paroissiens en chemise blanche, chaque dimanche à la sortie des temples et des églises de l’ex-République démocratique allemande, a contribué à la chute du Mur de Berlin.
Mon cher Jules Saliège, merci encore de ton cri rempli d’humanité évangélique, cette lumière allumée au milieu des ténèbres d’alors. Il inspire encore les assoiffés de vérité, de justice et de paix, et de paix par la justice. En ce temps d’effondrement spirituel planétaire, à ta suite, sans naïveté, nos gestes de colibris obstinés participent, comme dans les Cercles du Silence et parmi d’autres formes d’engagements, à l’avènement d’un monde plus beau, plus joyeux, plus fraternel.
Jean-Marc Noirot
