La crèche 2021 de Jacques Mérienne à Saint-Eustache, « Bethléem au Forum », a évolué trois semaines après son installation. La présence d’un panneau non déroulé au début de la frise intriguait le visiteur attentif, mais ce sont trois panneaux qui sont apparus dont l’un met en avant la figure d’un clown. En art, ce personnage a été progressivement peint dans des perspectives spirituelles ; à l’époque contemporaine, il traduit des projets et des sensibilités d’artistes très différents.
« Bethléem… » : trois nouveaux panneaux et un clown.
Les deux premiers panneaux de la crèche de Jacques Mérienne deviennent l’ouverture de l’œuvre. Ils occupent la place de montants d’un large portail ; ils sont accrochés aux piliers massifs, le tissu fragile contraste avec la pierre, l’innocence des figures de l’enfant dessiné avec l’austérité institutionnelle des socles. À gauche, l’enfant a comme ami un oiseau. Dans le panneau de droite, un clown, réduit à sa figure, clame un message que l’enfant (et l’oiseau) écoute. Le clown est maquillé et doté de son nez rouge, le symbole universel du personnage, le plus petit des masques depuis la Commedia dell’arte.
Comment ne pas penser à l’interprétation du texte de Luc (2, 8-12) ?
“Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux.
L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte.
Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. “
L’enfant, la figure du simple, de l’innocence, celui qui joue dans la ville, sur le Forum piétonnier, celui qui transforme l’ordinaire en extraordinaire par son imaginaire, qui parle à tout et tous. Les bergers, les simples de la campagne, les premiers à être informés.
L’ange du Seigneur. Le représente-t-on encore aujourd’hui ?
Ceux qui crient sont en revanche nombreux. Parmi eux, sur « le Forum de Jacques Mérienne », un clown que l’enfant reconnaît immédiatement et écoute, comme au cirque ou dans la rue.
Le clown ne fait pas seulement rire, il exprime tout haut ce qu’il pense tout bas, il parle de sa vie, de la vie de chacun, il crie une vérité ; on s’identifie à lui, à ses espoirs, à ses malheurs.
Et sur la piste du cirque, il y en a souvent, on en rit comme on rit de soi-même. Un rire libérateur, une bonne nouvelle partagée ensemble par tous les spectateurs du cirque ou de la rue.
Ici la bonne nouvelle est si extraordinaire qu’il la crie à plein poumon. L’important c’est la bouche, la voix dessinée et la main en « porte-voix ».
Le clown est celui qui permet le passage de l’intériorité. Dans « Les ailles du désir » de Wim Wenders (1987), une allégorie d’incarnation (d’un être céleste), l’ange était silencieux, mais il se penchait sur les plus simples du métro ou les accidentés de la vie, écoutait leur intériorité, les rassurait, leur donnait le sens de la beauté et au milieu du film, il découvrait un cirque !
La nouvelle du clown, ici, c’est la frise complète : l’histoire de Bethléem se rejoue, au sens du théâtre des crèches populaires, dans le Forum, deux millénaires plus tard.
Le troisième panneau est une très belle idée.
Il propose une nouvelle approche de cette triple figure des Rois Mages (Mt 2 ; 1-16). Cette histoire est très connue et Jacques Mérienne l’a traitée sur le mode narratif, par une fresque de Street art. Dans le panneau, les passants, à peine esquissés, sont dans leur monde, avec leur portable ou leur trottinette ; le personnage important est l’artiste, de dos, aussi dessiné que ses Rois Mages, jusqu’à ne faire qu’un avec ce qu’il dessine. Le Street artiste « roule » le ciel, il le fait exister en noir dans la toile blanche : il le révèle avec ses propres moyens, ceux de l’art d’aujourd’hui. Le clown crie de face ; l’artiste est dans le silence, de dos.
Ici deux personnes, le clown et l’artiste, mais en d’autres moments, l’artiste se fait clown ou se représente comme clown.
Le clown : un imaginaire d’enfance instrumentalisé ?
Le clown est devenu un personnage de plus en plus complexe, utilisé à des fins mercantiles mais aussi spirituelles.
Or dans l’imaginaire de notre enfance, il est simplement duel : le Clown Blanc souriant, le roi de la piste, et l’autre, l’Auguste, de couleur, maugréant, avec son nez rouge.
Leur histoire (un beau dialogue à lire) est liée à celle du cirque traditionnel. Comme celui-ci a évolué, le clown a pris moins de place et est sorti de ce lieu du divertissement : non le blanc, la figure poétique, mais l’autre, la figure désarmée face à la vie, celui qui exprime l’intériorité ou une part de l’inconscient collectif.
Il est désormais ailleurs.
Il est ainsi présent en stage de formation en entreprise, ou dans ce qu’on appelle le développement personnel, voire dans les retraites spirituelles.
« Le clown personnage est porteur de toutes les contradictions et les paradoxes qui nous habitent. Il nous invite à les accueillir, même s’ils nous dérangent […] Il est question de faire confiance à notre ressenti, à l’expérience corporelle….et de s’appuyer sur une intention. Découvrir son clown intérieur permet de gagner en liberté intérieure » peut-on lire sur le site Internet d’une thérapeute.
Ce n’est pourtant pas la figure dominante car aujourd’hui, le clown n’est pas seulement une affaire d’intériorité.
Il est partout, il est devenu un symbole de la consommation, un repère dans la ville : c’est Ronald McDonald ! 96% des enfants américains le connaissent, aussi populaire que le Père Noël. A une époque où les émotions sont mobilisées volontiers, il est ici attaché à un slogan « Venez comme vous êtes ». Les réactions n’ont pas tardé : artistes et activistes mobilisent d’autres figures de clowns, notamment des comics, qui sont devenus de féroces critiques de la société dans son ensemble.
Ainsi entre le logo symbole de la mal-bouffe, la référence utilisée dans des retraits spirituelles, les questions sur le clown et la foi posées par le site Internet, Évangile et liberté, l’écart semble immense.
La réponse donnée sur ce site par Yves Patenôtre, archevêque émérite de Sens-Auxerre et prélat émérite de la Mission de France, serait difficilement tenable dans un MacDo !
« Le clown rassemble toute la condition humaine. Il est chacun d’entre nous. Le clown rejoint l’homme même dans la souffrance, dans toute sa misère. Toutes les misères qui lui arrivent, ce sont nos propres misères. Il nous rejoint donc dans nos pauvretés, comme le Christ, au cours de sa Passion (et même tout au long de son ministère, c’est le propre de l’incarnation, en fait). Il y a une similitude entre la figure du Christ et celle du clown. Le Christ nous appelle à être heureux, selon les Béatitudes (Mt 5,1-12), mais on ne peut être véritablement heureux que lorsqu’on accepte ses pauvretés. »
Mais la question des rapports entre images du Christ et du clown se décline aussi d’une tout autre manière. Le clown est utilisé pour faire de Jésus un objet récurrent de dérision – l’interrogation Google « Jésus clown / images » donne des milliers de caricatures, ce qui suscite indignation ou scandale (comme dans l’affaire du clown McDonald crucifié).
Mais comment l’art a-t-il utilisé la figure du clown ?
Le clown dans l’art contemporain. Figure tragique ou figure christique ?
Le clown est une figure universelle aux multiples facettes, qui était associée à l’univers des enfants, mais dont les adultes se sont saisis. Il opère, parfois de manières désarçonnantes voire inquiétantes, une fonction de miroir pour celui qui le regarde, mais aussi pour la société tout entière.
Dans l’histoire de la peinture, le Pierrot de Jean-Antoine Watteau (1718) est la référence fondamentale encore que sa composition demeure toujours mystérieuse.
Ce clown blanc, énigmatique, est un solitaire et un incompris, avec une petite société à ses pieds dont on ne sait rien, dans un paysage où un arbre a des oreilles. Watteau, qui avait une grande connaissance des codes de la Commedia dell’Arte, exprime une double personnalité, équivoque, lunaire. Cette sensibilité et cette référence vont être reprises régulièrement par des artistes avec des représentations d’un clown très humain.
Chez Henri de Toulouse Lautrec, la figure bascule du côté du tragique, quitte à faire un détour par le rire.
Si l’artiste a pris, dans les années 1890, comme modèle la clownesse Cha-U-Kao, qui travaillait à la fois pour le cirque et les cabarets, il aimait se faire photographier comme clown, dans l’autodérision de son infirmité de nain, tentant de se rendre ainsi sympathique. Picasso, de son côté en 1917, après sa période cubiste, poursuit ses recherches figuratives et peint un clown bleu à l’occasion du décor du ballet « Parade », musique d’Érik Satie et texte de Jean Cocteau : un acte de résistance poétique à l’époque morose de la guerre.
Max Beckmann, lui aussi utilise la figure du clown, mais dans son « Autoportrait comme clown » (1921 / Von der Heydt Museum, Wupperta) cet artiste allemand exprime le vide de l’après-guerre. « Le clown est le double désabusé du peintre dans un monde privé de ses valeurs, qui contraint les hommes, confrontés à un vide intérieur, à jouer des rôles dont ils sont prisonniers et utilise la figuration et le grotesque[1]. »
Georges Rouault s’exprime dans un autre registre : affirmer le lien entre le clown et la figure du Christ, car l’artiste est un chrétien mystique.
PPour en arriver là, son art a évolué, en fonction notamment de données personnelles. Ayant eu comme maître Gustave Moreau, représentant du mouvement symboliste, il est en devenu le disciple spirituel. La mort de ce dernier en 1898 l’affecte beaucoup. Il ressort de son épuisement en 1902 en peignant frénétiquement. Dans ces moments, il est soutenu par le couple philosophe catholique Jacques et Raïssa Maritain dont il restera très proche. Parmi les multiples séries qu’il peint, des clowns et des Christ qui présentent d’étonnantes proximités formelles par leurs traits et leurs couleurs
À partir de 1903, ses clowns, ses écuyères traduisent l’absurdité de l’existence et apparaissent comme les alter ego de l’artiste. Le personnage peint est un pantin, isolé, mélancolique. À propos de « Clown » (1910-1913), il dit « J’ai vu clairement que le « pitre » c’était moi, c’était nous. » Mais révolté par les situations d’injustice (sous l’influence notoire de Léon Bloy), il va superposer les images de clown et de Christ. À propos de « Clown blessé » (1932), il déclare « Peut-être le Clown blessé est-il aussi religieux que certaines compositions de titre biblique ». Le rapprochement est encore plus explicite quand il peint, de face, plusieurs figures du Christ aux outrages en reprenant les postures de certains de ses clowns.
Le clown contemporain conserve le tragique[2], mais certains artistes réintroduisent aussi le comique, le clownesque que l’individu ait les habits traditionnels ou non comme Buster Keaton ou Charlie Chaplin dans leurs films. Le clown se reconnaît plutôt dans le comportement.
Christian Boltanski, en 1974, était dans cet esprit. Alors qu’il n’avait pas encore accédé à la notoriété, il a pris aussi les traits du clown dans une œuvre s’intitulant « La Mort pour rire » : des séries de photographies en noir et blanc, des films et de grandes affiches coloriées au pastel. Elles ont fait l’objet d’une présentation à la galerie Marian Goodman en 2018.
Le comique très particulier de ces saynètes tient à l’inversion des rôles. Car d’ordinaire, c’est l’enfant qui joue à faire l’adulte : il joue au papa et à la maman, au docteur, à conduire une voiture, etc… alors que chez Boltanski, c’est au contraire un adulte qui fait l’enfant, et ce renversement produit un effet pervers de régression qui peut gêner ceux pour qui l’art devrait être une activité à prendre au sérieux.
« C’est vraiment très faux. Tout est totalement inventé, ça tourne autour d’une enfance tout à fait commune avec parfois, ce qui m’amusait, des allusions vaguement psychanalytiques »affirmait l’artiste. Des épisodes du même type (Le reproche du grand-père, Le repas forcé ou encore La réprimande injuste, etc.) sont joués dans un film où Boltanski tient le rôle d’un de ses parents ou de son grand-père et une poupée de ventriloque déguisée en jeune enfant celui du « Petit Christian ». (Ci-contre Christian Boltanski, Les Saynètes comiques : Pleure, Rire, 1974 — Photographie noir et blanc, crayon pastel)
« Les Saynètes comiques étaient plutôt un travail sur le tragique. Je ne faisais pas cela pour faire rire, c’était une œuvre sur la condition humaine, l’idée du clown mais pas du clown humoristique. » (Source)
Bruce Nauman (né en 1941 à Fort Wayne en Indiana) a produit des œuvres majeures qui ont essaimé ensuite dans tous les arts, comme l’ont fait de leur côté Andy Wharhol ou Marcel Duchamp. Alors que ce dernier avait coalisé les enjeux de l’art moderne au début du siècle, Nauman, cinquante ans plus tard, va, lui, traiter des questions de l’esthétique de notre temps en remodelant le corps et les objets, l’image et le langage, le sublime et la banalité, la violence et le pouvoir[3]. Il examine la condition humaine contemporaine, comme son ami Samuel Beckett, en usant de la répétition des images et des boucles si chères à la musique minimaliste. Dès 1987, le clown devient, non pas son alter ego, mais le personnage qui aborde toutes ses questions, jusqu’à l’entêtement dérangeant pour le spectateur.
Foin du clown blanc poétique : « Clown Torture », est une œuvre vidéo, sans début ni fin qui se présente sous plusieurs variantes. L’artiste brise les codes du clown.
L’une utilise quatre écrans simultanés avec quatre « présences » de clowns qui racontent la même histoire. Le masque et le maquillage créent une idée générique de l’homme déconcertante : tantôt enfermé dans des toilettes, tantôt debout dans une pièce noire ou encore les jambes en l’air dans un studio vide, le personnage crie et pleure, exprimant simultanément la colère, la frustration et la tristesse ; les clowns portent des costumes différents, avec tous leurs attributs (grandes chaussures, pantalons, etc.). On imaginait qu’ils égayeraient un monde ordinaire, ils semblent ici basculer dans la psychose et suscitent l’effroi. On ne peut pas communiquer avec eux. Ils ne sont pas muets, ils hurlent, ils révèlent leur dose de cruauté. Dans une autre version de la série, le spectateur est placé entre deux vidéos de deux clowns qui s’interpellent dans un jeu d’agressivité et d’humiliation.
Cette manière d’aborder ce personnage, très éloignée de la Commedia dell’Arte, plonge le spectateur dans une situation d’étouffement, d’angoisse et interroge les limites de la communication humaine. Au fond, Nauman vient contester l’art comme moyen de représenter l’homme et ses émotions, et ce faisant il s’offre aux sarcasmes du visiteur soumis à une telle expérience.
Ugo Rondinone (né en 1963 à Brunnen en Suisse) est dans le sillage de Nauman, mais d’une tout autre façon : des clowns en différents mannequins, très travaillés, avec des habits flashy, aux couleurs LGBTQ, immobiles, affalés sur le sol ou s’appuyant sur les murs.
Dans son livre L’art contemporain est-il chrétien ? Catherine Grenier qualifie l’artiste de clown métaphysique, non pas triste, mais indifférent, impavide, refaisant des actes de la vie ordinaire. « Créateur d’ambiance [Ugo Rondinone] introduit avec cette désactivation de l’amuseur un hors champ pathétique, mais qui fait tout de même sourire, une forme de mal-être nostalgique qui s’impose au visiteur. »
Cet effet est redoublé quand l’artiste installe une vingtaine de ses clowns dans une même salle, comme dans la grande exposition sur l’enfance et les rites de passage, été 2018 au Palais de Tokyo, « Encore un jour banane pour le poisson-rêve ». Le visiteur pouvait errer dans les non-évènements de sa vie quotidienne, animé par le bonheur ou la tristesse transpirant des clowns, sur un fond de grande solitude.
Avec une position d’apesanteur de l’artiste et de l’art, ses œuvres offrent une identification du spectateur à l’artiste, via le clown, jusqu’à parler d’un « travail sur l’âme », une « expérience de transcendance du réel ». En utilisant des images de publicité, avec son visage grimé, Rondinone propose aussi des êtres hybrides dans une image quasi parfaite, très ambiguë. Les clowns de Rondinone ont les traits de ceux au repos de Toulouse Lautrec : « Le corps est veule, avachi : porteur de lassitude et d’angoisse » (Jean Laude cité par Catherine Grenier).
L’angoisse de mort fait un détour par le sourire. Mais, n’y aurait-il pas pire ?
Les frères Jake (né en 1966 à Londres) et Dinos Chapman (né en 1962 à Cheltenham) utilisent une figure opposée du clown. Ils sont dans la provocation permanente, avec leurs visions d’épouvante de l’exploitation de l’homme par l’homme, de la destruction opérée par le capitalisme industriel et financier. Leurs dessins et surtout leurs immenses maquettes des pires atrocités des guerres sont des œuvres que les grands collectionneurs s’arrachent.
Ces représentants emblématiques des Young British Artists ne cessent de décrire l’enfer, à la manière d’un Jérôme Bosch, jusqu’à soulever le cœur « « Nous cherchons à récupérer toutes les formes de terrorisme afin d’offrir au spectateur le plaisir d’un certain type d’horreur, d’un certain type de convulsion bourgeoise » ont-ils déclaré un jour. Dans cet art qui pose question par les effets qu’il provoque, le clown peut apparaître dans des scènes de combat, comme, dans Fucking Hell, la figure d’un Ronald McDonald crucifié à foison, un symbole violent de l’imaginaire enfantin, mais aussi commercial sacrifié aux intérêts portés par les guerres.
Tous les repères de l’innocence sont brouillés ; ce qui compte n’est plus la figure du clown, mais la réaction qu’il provoque chez le spectateur. Si l’on peut être choqué, on peut aussi se remémorer les multiples tableaux du Massacre des Innocents qui utilisaient les codes de leur temps pour peindre l’horrible. Le spectateur s’était habitué à ce type de représentation de la violence, les frères Chapman la revisitent.
Catherine Grenier utilise le terme de « Clown de l’infâme » pour d’autres artistes, comme le cynique Maurizio Cattelan connu pour son œuvre sacrilège sur la mort de Jean-Paul II, « La nona ora », où le Pape est traité comme un clown blanc mort.
C’est à ce courant du clown pervers qu’il faut rattacher les quatre principaux films du Joker et notamment le dernier de Todd Philipps, qui se termine sur une insurrection de laissés pour compte, habillés en clowns, contre la société du spectacle, politique compris. Lire l’intéressante comparaison des quatre profils psychologiques.
Entre le clown dessiné par Jacques Mérienne « à Bethléem … » et cette figure mythique de noirceur du Jokker à « Gotham city », le fossé est immense.
L’un annonce, l’autre dénonce.
Entre les deux, certains artistes ont glissé quelques clowns christiques.
Jean Deuzèmes
Si chacun a construit sa mémoire personnelle du clown, cette figure a occupé une grande place à Saint-Merry, puisque Gérard Wybo, vicaire, était aussi aumônier des forains. Plus précisément, il était leur rachaï, c’est-à-dire, prêtre pour et parmi les circassiens, artisans de la fête. Il aimait donc mettre le nez rouge des augustes, ce qui lui permettait de discuter des convenances et et de protester contre chacun, si nécessaire.Le jour de ses obsèques, le 10 novembre 2021, le représentant des clowns présent, tout en habit d’Auguste, fit un geste symboliquement fort : il déposa son nez rouge sur le cercueil au moment de l’hommage final, le reconnaissant ainsi comme leur rachaï.
[1] Catalogue de l’exposition au Centre Georges Pompidou, 2002-2003.
[2] Bernard Buffet, peintre expressionniste, que certains rattachèrent à l’existentialisme, a dû une partie de sa notoriété à la production massive de clowns tristes plaisant au public, dans les années 50. Il avait su refléter l’humeur mélancolique et remplie d’angoisse de la société française n’ayant pu éliminer le spectre de souffrance et de privation de la guerre. Lire
[3] Le Centre Georges Pompidou lui avait consacré une grande exposition fin 1997. Mais l’artiste n’a pas cessé de pousser ses expérimentations.
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Merci à Jean 2M. On en redemande.