Nous avons vu, dans un premier épisode (à lire ICI), le mythe du Déluge dans les récits mésopotamiens d’Atrahasis et de Gilgamesh. Ces récits ont inspiré le mythe du Déluge dans la Genèse, mais avec des transformations, des réinterprétations que nous détaille Colette Deremble.
Exilés à Babylone en 586 avant notre ère, les intellectuels hébreux ont eu longuement l’occasion de méditer sur les grands mythes mésopotamiens. À leur tour, ils vont s’emparer de celui du Déluge en le réinterprétant en fonction d’une vision de l’homme et de Dieu qui leur est propre et marquée par le contexte historique qui est le leur : après le drame de la conquête de la terre par les Babyloniens, la déportation de l’élite, son autorisation de retour, Israël n’a pas retrouvé sa souveraineté : le peuple n’a plus de roi.

Le texte biblique est complexe par le fait qu’on y lit des doublons : les différents épisodes se répètent. On y trouve aussi des contradictions : ainsi, en Gn 7, 2, on nous dit que Noé prend sept couples d’animaux purs et un couple d’animaux impurs, alors qu’en Gn 7, 19, il y a un couple de chaque espèce. Concernant la durée, on lit en Gn 7,12 que le Déluge a duré quarante jours et quarante nuits, en Gn 7, 24 qu’il a duré cent cinquante jours…
On peut en déduire que ce que nous lisons est le fruit de l’agrégation de deux textes différents, entremêlés. Depuis longtemps, on sait que l’écriture biblique n’est pas homogène : c’est une pratique habituelle dans l’Antiquité que de retravailler, commenter un texte de base, car ces textes sont vivants. Aujourd’hui, les exégètes tentent de repérer, par des indices de vocabulaire, de style, d’allusions historiques, par qui et quand ces différentes couches textuelles ont été réalisées, de manière à faire apparaître les choix théologiques sous-jacents de chacune. Ce travail est loin d’être clos et l’essentiel des étapes d’écriture du Pentateuque reste à l’état d’hypothèse. Dans l’état actuel de la recherche, une hypothèse semble tenir : l’écriture de la Genèse pourrait avoir commencé peu après le retour d’exil en 538 (sans doute entre 537 et 527) par un groupe de prêtres, voulant fonder, à Jérusalem, la nouvelle société post-exilique sur des valeurs fortes. Ce groupe a alors rédigé une histoire de l’origine du monde, qui serait aussi celle d’Israël. On l’appelle document « sacerdotal ». D’autres écrivains, sans doute une vingtaine d’années plus tard, ont intégré, à l’intérieur de ce premier document, un deuxième récit, très proche et pourtant différent, qu’ils ont entrelardé dans le premier pour le compléter avec d’autres valeurs.
Nous nous contentons ici d’ouvrir des pistes, sachant que, pour le fond, nous renvoyons aux exégètes qui sont à la source de notre réflexion, dont J.L. Ska et Thomas Röhmer.
N.B. : On copie ici, pour des visées pédagogiques, le texte du Déluge avec un caractère spécial pour le distinguer de nos commentaires, en indiquant :
- en noir la strate dite « sacerdotale », en gras noir ce qui n’appartient qu’à cette strate,
- en orange la strate qui lui a été ajoutée, en gras orange ce qui n’appartient qu’à cette strate ajoutée.
Gn 6, 11-12 ( la méchanceté de l’homme) : La terre s’était corrompue devant Élohim et s’était remplie de violence. Élohim regarda la terre et la vit corrompue, car toute chair avait perverti sa conduite sur la terre.
Gn 6, 13 (La sentence) Dieu dit à Noé : Pour moi, la fin de toute chair est arrivée. Car, à cause des hommes, la terre est remplie de violence et je vais les détruire avec la terre.
Les rédacteurs du texte initial (qui commence au verset 11) partent d’un diagnostic éthique, très différent du point de départ du récit mésopotamien d’Atrahasis, où l’origine de la colère des dieux venait de ce que l’agitation humaine gênait leur sérénité : le Dieu des Hébreux a des préoccupations morales ; c’est là ce qui caractérise la théologie judéo-chrétienne. Ce qui chagrine Dieu est la violence humaine, d’autant qu’elle semble se propager. Pour autant, les rédacteurs n’expliquent pas les racines de cette violence : d’où vient que l’homme fait le mal ? Dieu pourtant avait déclaré que sa Création était bonne. La question reste en suspens. Un autre des caractères propres à la théologie judéo-chrétienne est que Dieu laisse l’humanité évoluer selon sa liberté, où qu’elle le mène. Mais Dieu ne peut se résoudre à un échec d’une telle ampleur : il décide donc de supprimer la planète toute entière avec tous ses vivants et de tenter une deuxième Création. Il en parle à Noé, qui ne nous est pas présenté et qui, contrairement à certaines versions mésopotamiennes, n’imagine pas avertir les autres hommes.
Un second groupe de théologiens réécrit ce texte, quelques décennies plus tard. Leur version, plus développée, a été disposée avant la première. Pour des raisons pédagogiques, nous inversons l’ordre de lecture et donnons à lire cette seconde version après la première, en mettant entre parenthèse les thèmes développés :
Gn 6, 5 (la méchanceté de l’homme) : YHWH vit que la méchanceté de l’homme se multipliait sur la terre. A longueur de journée son cœur n’était porté qu’au mal et le Seigneur se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre.
(la sentence) : Il dit : « J’effacerai de la surface du sol l’homme que j’ai créé, homme, bestiaux, petites bêtes et même les oiseaux du ciel, car je me repens de les avoir faits ».
(la sainteté de Noé). Mais Noé trouva grâce aux yeux de YHWH. Voici la famille de Noé : Noé, homme juste, fut intègre au milieu des générations de son temps. Il suivit les voies de Dieu.
Ce nouveau récit insiste sur l’ampleur du mal (« à longueur de journée ») et introduit trois notions théologiques déterminantes. La première était déjà présente dans le modèle mésopotamien : Dieu est susceptible de changer d’avis. La seconde est celle de la grâce (« Noé trouve grâce »), qui apporte l’idée de la gratuité du regard divin sur l’homme. La troisième est celle de la sainteté de l’homme qui sauve la Création (« Noé, homme juste »). En ces deux dernières notions, complémentaires (grâce de Dieu et sainteté de l’homme) se situe la différence fondamentale qui sépare la théologie biblique de la théologie mésopotamienne, et qui tient à son optimisme : malgré le tableau désespérant d’une violence qui semble infinie, il se trouve, d’une part, que Dieu peut faire grâce et que, d’autre part, le mal n’est pas radical. Les rédacteurs de cette version avaient déjà présenté Noé, au chapitre précédent, comme étant celui « qui réconforte de nos labeurs et de la peine qu’impose à nos mains un sol maudit ». Il est le restaurateur d’Adam. Par lui, l’humanité a en elle les germes de la non-violence. Noé est sauvé, non par favoritisme ou par son statut royal, mais parce qu’il est « juste », « intègre », et pieux (il « suit les voies de Dieu »). Dans la perspective mésopotamienne, le salut passait par un roi. Tout aussi bien à l’époque de la rédaction de ces textes, le peuple juif, soumis aux Perses, n’a plus d’existence politique, plus de roi donc. L’espoir de salut vient d’une lignée de Justes.
On revient au premier récit, qui enchaîne directement avec l’ordre de la construction de l’arche : on ne sait pas, dans ce récit, pourquoi Dieu décide de sauver Noé. C’est une décision unilatérale, mystérieuse, inconditionnelle.
(la construction de l’arche) : « Fais toi une arche de bois… tu la feras longue de cent coudées.. Tu mettras l’entrée de l’arche sur le côté, puis tu lui feras un étage inférieur, un second et un troisième ».
Gn 6, 14-16

Ce que nous appelons arche est appelé dans la Bible « coffre », terme d’origine égyptienne qu’on ne retrouve qu’une seule autre fois dans la Bible : c’est le coffre qui flotte sur les eaux du Nil et dans lequel Moïse est placé par sa mère pour le sauver de Pharaon. Le choix du terme n’est pas le fruit d’un hasard : les deux textes font sens ensemble avec ce procédé de rappel, cher aux écrivains bibliques, qui fait partie de la technique midrashique (on appelle « midrash » une manière d’écrire en reprenant, commentant, faisant allusion à un texte précédant pour lui ajouter du sens). Ce coffre est décrit comme un temple à trois étages (avec l’aspect d’une ziggourat, comme c’est le cas aussi des descriptions des arches babyloniennes). Il est muni, comme les temples babyloniens, d’une entrée sur le côté : le salut est donc donné à ceux qui entrent dans le temple, donc dans la sphère religieuse.
Gn (6, 17) (La décision du Déluge). « Moi je vais faire venir le Déluge sur la terre pour détruire, sous les cieux, toute créature animée de vie. Tout ce qui est sur terre expirera. 18 Mais j’établirai mon alliance avec toi »..
Voici annoncé le terme-clef de la théologie de ces rédacteurs, celui de l’alliance. Si Dieu invite Noé à monter dans l’arche, c’est pour sceller avec lui une alliance. Qui dit alliance dit engagement mutuel, réciprocité : la nouvelle Création se fera selon un tout autre système que la première, sur la base d’une collaboration, où chaque partie garde sa liberté tout en étant engagée vis-à-vis de l’autre par un pacte, dont Dieu a l’initiative.
Gn 6,18 suite (l’ordre d’entrer dans l’arche) : Entre dans l’arche, toi et avec toi, tes fils, ta femme et les femmes de tes fils…
Gn 6, 19 ( l’ordre de prendre les animaux). De tout être vivant, de toute chair, tu introduiras un couple dans l’arche pour les faire survivre avec toi ; qu’il y ait un mâle et une femelle. De chaque espèce de bestiaux, de chaque espèce de petites bêtes du sol, un couple de chaque espèce viendra à toi pour survivre.
Gn 7, 1 (l’ordre d’entrer dans l’arche). YHWH dit à Noé : « Entre dans l’arche, toi et toute ta maison car tu es le seul juste que je vois en cette génération ».
Les rédacteurs du second récit, qui insistent sur la sainteté de Noé, ajoutent l’idée de son caractère exceptionnel : il est « le seul homme juste ». Une seule lumière de sainteté suffit pour que l’humanité renaisse.
Gn 7, 2-4 (l’ordre de prendre les animaux) : « Tu prendras sept couples de tout animal pur, un mâle et sa femelle et d’un animal impur un couple, un mâle et sa femelle. Car, dans sept jours, je vais faire pleuvoir sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits, j’effacerai de la surface du sol tous les êtres que j’ai faits. »
Gn 7, 13 (l’entrée dans l’arche) : En ce même jour, Noé entra dans l’arche avec ses fils et avec eux la femme de Noé et les trois femmes de ses fils, ainsi que toutes les espèces de bêtes, toutes les espèces de bestiaux, toutes les espèces de petites bêtes qui remuent sur la terre, toutes les espèces d’oiseaux, tout volatile, toute bête ailée. … C’étaient un mâle et une femelle de toute chair qui entraient. Ils entrèrent comme Élohim l’avait prescrit. Élohim ferma la porte sur lui.
La mention de cette sollicitude particulière de Dieu pour Noé est propre à la première version.

Musée d’art de Philadelphie, USA
Gn 7, 7-9 (l’entrée dans l’arche) : À cause du Déluge, Noé entra dans l’arche et avec lui ses fils. Des animaux purs et des animaux impurs, des oiseaux et de tout ce qui remue sur le sol, couple par couple vinrent à Noé dans l’arche comme Dieu l’avait prescrit à Noé.
Gn 7, 11-12 (le début du Déluge) : En l’an 600 de la vie de Noé, au deuxième mois, au dix-septième jour du mois, ce jour-là, tous les réservoirs du grand Abîme furent fendus et les ouvertures du ciel furent béantes. La pluie se déversa sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits.
Au chapitre 1 de la Genèse 1, 5, on lisait que Dieu avait séparé les eaux d’en haut et les eaux d’en bas. Désormais il va faire retourner le monde au chaos avec cette béance dans « le grand Abîme ». Les rédacteurs de la première version du Déluge s’emploient donc clairement à retravailler le mythe de la Création à la manière d’un midrash. Ils annoncent ainsi la pointe du récit : la Création est toujours recommencée.
Gn 7, 17 (la durée). Le Déluge eut lieu sur la terre pendant quarante jours.
Gn 7, 18 (la montée des eaux). Les eaux furent en crue, formèrent une masse énorme sur la terre et l’arche dériva à la surface des eaux.
Gn 7, 17b Les eaux grossirent et soulevèrent l’arche qui s’éleva au-dessus de la terre.
Gn 7, 20-21 (la destruction des vivants) : Avec la crue des eaux qui recouvrirent les montagnes, expira toute chair qui remuait sur la terre, oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages, toutes les bestioles qui grouillaient sur la terre, et tout homme.

Gn 7, 22-23. (la destruction des vivants) : Tous ceux qui respiraient l’air par une haleine de vie, tous ceux qui vivaient sur la terre ferme moururent. Ainsi YHWH effaça tous les êtres de la surface du sol, hommes, bestiaux, petites bêtes et même les oiseaux du ciel. Ils furent effacés, il ne resta que Noé et ceux qui étaient avec lui dans l’arche.
Gn 7, 24 (la durée). La crue des eaux dura cent cinquante jours sur la terre.

Gn 8, 1-2 (la fin du Déluge). Dieu se souvint de Noé, de toutes les bêtes et de tous les bestiaux qui étaient avec lui dans l’arche. Il fit alors passer un souffle sur la terre et les eaux se calmèrent. Les réservoirs de l’Abîme se fermèrent ainsi que les ouvertures du ciel.

d’Ararat dans un manuscrit
enluminé du XIIIe s.
Voici introduite la notion de mémoire divine. Dieu se « souvient ». Les rédacteurs poursuivent le thème d’une seconde Création : de même qu’en Gn 1, 2 le souffle de Dieu planait sur la surface des eaux, Dieu fait passer un souffle sur la terre.
Gn 8 2b (la fin du Déluge) : La pluie fut retenue au ciel.
Gn 8, 3 (la baisse des eaux) : les eaux se retirèrent de la terre par un flux et un reflux.
Les seconds rédacteurs n’insistent pas sur la bienveillance divine : la décrue semble un phénomène naturel plus que le fruit d’une volonté de Dieu.
Gn 8, 3b-5 (la baisse des eaux). Au bout de cent cinquante jours, les eaux diminuèrent et au septième mois, le dix-septième jour du mois l’arche reposa sur le mont Ararat.
Gn 8, 6-12 (les oiseaux) : Or, au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre . Il lâcha le corbeau qui s’envola, allant et revenant, jusqu’à ce que les eaux découvrent la terre ferme. Puis, il lâcha la colombe pour voir si les eaux avaient baissé sur la surface du sol […] Il attendit encore sept autres jours et lâcha à nouveau la colombe […] et voilà qu’elle avait dans son bec un rameau d’olivier. […] Il attendit encore sept jours et lâcha la colombe qui ne revint plus vers lui.

Dans la première version, il n’est pas question d’oiseau : l’arche se pose simplement sur la montagne. Les mythes babyloniens parlaient de trois oiseaux successivement envoyés pour sonder la fin du déluge, une hirondelle, une colombe et un corbeau. Le rédacteur de la seconde version biblique n’en retient que deux, le corbeau, oiseau noir, qui revient sans rien, et la colombe, oiseau blanc, symbole de l’innocence et de la fécondité, qui ramène, au deuxième essai, l’olivier de la paix, puis ne revient pas : les écrivains bibliques privilégient ainsi l’opposition blanc/noir, qui relève d’un langage éthique. En tout état de cause, il y a une progression dans le chemin du salut, un travail, une attente, une persévérance.
Gn 8, 14 : Au deuxième mois, la terre était sèche.
Nouvelle allusion au récit de la Création : on lisait déjà, en Gn 1, ce terme de « terre sèche ».
Gn 9, 8-17 (alliance). Je vais établir mon alliance avec vous…. J’établirai mon alliance avec vous.
(la promesse de ne plus recommencer). Aucune chair ne sera plus exterminée par les eaux du Déluge, il n’y aura plus de Déluge pour ravager la terre. Élohim dit : Voici le signe de l’alliance que je mets entre moi et vous… J’ai mis mon arc dans la nuée pour qu’il devienne un signe d’alliance …

My Mother’s Bible Stories, Domaine public,
La première version conclut sur le pacte d’alliance que Dieu signe avec l’homme : c’est le point culminant, l’ultime visée de cette première version, ce qui marque sa spécificité théologique : Dieu s’engage contractuellement avec l’humanité, et il le fait sans justification : les écrivains ne disent pas ce qui justifie le retournement de Dieu.
Gn 8, 20 (le sacrifice) : Noé éleva un autel pour YHWH
Le thème de l’offrande sacrificielle est un ajout majeur de cette version au texte initial. Après l’exil à Babylone, le peuple d’Israël s’est recentré autour du temple de Jérusalem et l’exercice du culte est devenu le ferment de l’identité d’Israël. Les rédacteurs montrent que l’humanité a l’initiative de rendre grâce : au don du salut accordé par Dieu répond le contre-don de l’offrande.
Par le sacrifice, l’humanité pourra aussi désormais canaliser sa violence : la violence, inhérente à l’humain, s’exercera sur les animaux, non de manière sauvage mais régulée à travers un geste rituel.
Gn 8, 21 (la promesse de ne plus recommencer) : YHWH respira le parfum apaisant et se dit en lui-même : « Je ne maudirai plus jamais le sol à cause de l’homme. Certes le cœur de l’homme est porté au mal dès sa jeunesse, mais plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait ».
La seconde version attribue au sacrifice la vertu apaisante qui permet à Dieu de renoncer à son plan destructeur : c’est le parfum du sacrifice qui aide Dieu à se convertir et à décider de ne pas répondre à la violence par la violence. Les rédacteurs pour autant ne sont pas naïfs : la violence humaine demeurera, mais Dieu est entré dans une perspective de pardon.

Gn 9 : Dieu bénit Noé : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la… »
Comme en Gn 1, Dieu bénit les hommes et leur propose de se multiplier. Tout semble repartir comme avant. Pourtant, lors de ce nouveau départ, des choses ont changé : Dieu a pris en compte la violence de l’homme mais il la canalise en acceptant qu’il tue des animaux pour les manger. « Tout ce qui remue et qui vit vous servira de nourriture » (Gn 9, 3). L’homme peut donc tuer, mais seulement l’animal : la violence sociale est exclue. Par ailleurs, il doit préserver le sang, c’est-à-dire la vie : « Je vous donne tout. Toutefois, vous ne mangerez pas la chair avec sa vie, c’est-à-dire son sang » (Gn 9, 4). La vocation de l’homme est basée sur le respect de la vie dans son essence même, même si, à la marge, il a le droit de manger l’animal pour vivre. La seconde Création se préoccupe donc de la vie en société, car c’est bien cette capacité d’un vivre ensemble qui est mise en cause par la violence humaine. En échange de cette nouvelle donne, Dieu demande des comptes à l’humanité : « À chacun, je demanderai compte de la vie de son frère » (Gn 9, 5).
C’est la conclusion du récit, sa pointe ultime : l’humanité nouvelle est comptable de la Création.

En conclusion
Les écrivains de la Bible sont donc loin d’avoir fait un « copié/collé » des mythes mésopotamiens. Si on prend en compte l’ensemble des deux versions, complémentaires, elles exposent un vaste projet théologique qui décline les diverses faces de ” l’être au monde “, à l’autre, à Dieu et plus particulièrement réfléchissent au problème de la violence. Elles partent d’un constat que nous faisons tous, l’évidence du mal, mais ouvrent la porte à l’espérance. Le mal n’est pas total et l’humanité est capable d’être « juste ». Elles aboutissent à la conclusion que la punition n’est pas la solution à la violence, que cette violence peut être canalisée, que l’humanité a une part de responsabilité dans l’économie du salut, qu’elle a des comptes à rendre.
Un troisième épisode vous parlera des récits midrashiques du mythe du Déluge, dans d’autres livres de la Bible et dans les Évangiles.
Si vous aviez manqué le premier épisode, vous pouvez le lire ICI
Si vous souhaitez lire le troisième épisode, cliquez LÀ
Merci nezucoup pour toutes ces explications et references
les deux documents sont très intéressants: ils demandent attention et permettent une approche et une réflexion très fines. Grand merci!
Pourquoi n’a-t-on pas accès au document N° 3 ? Merci de votre aide. AM Hermet