Guy Aurenche nous offre la suite de sa recension du livre d’Anne-Marie Pelletier (Vivre au risque de l’autre – La Bible contre l’identitarisme, éd. DDB, 2025). Accueillir : tel est le secret d’une vie pleine. C’est aussi un cri bienvenu, dans nos sociétés qui se « méfient » de l’autre. Ce livre nous fait découvrir, en profondeur et très heureusement, les racines bibliques de l’hospitalité ; défi majeur pour aujourd’hui.
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La liberté de Jésus

La rencontre avec l’autre, l’étranger, est constitutive de la vie de Jésus. Il bouscule les autorités d’un peuple, lui-même installé dans un sentiment de supériorité, tombant facilement dans le mépris envers le différent, l’impur. Mais Jésus tient bon et fait éclater « l’entre-soi de la synagogue ». La mise en valeur du comportement du bon samaritain, étranger et méprisé, caractérise, très clairement la conduite prioritaire de Jésus envers l’autre.
Ce livre nous invite à « garder la mémoire dangereuse de la liberté de Jésus », contre les étroitesses de la bien-pensance. C’est un étranger, un centurion romain qui, le premier, témoignera après la mort de Jésus : « Vraiment cet homme était fils de Dieu » !
Il ne s’agit pas d’adopter une idéologie faisant de l’autre une abstraction, mais bien d’accueillir, avec confiance, une présence active, celle de Jésus lui-même, à travers l’accueil de ceux et celles que le monde exclut. Cet ouvrage n’est pas un manifeste supplémentaire moralisateur sur le « risque de l’autre » ; bien plutôt l’invitation, non naïve, à faire de notre vie la démonstration de la preuve de la fécondité de l’accueil de l’autre, des autres, du Tout-Autre, de la Vie autre, au-delà de la mort.
« Être chrétien, c’est être précédé »

Le livre insiste sur cet accueil : « Tout cela fait que l’accueil (de l’histoire) d’Israël par le monde chrétien n’est pas une option ». L’auteure invite à relire les Lettres de Paul à la lumière de cette affirmation, pas facile à mettre en œuvre il y a deux-mille ans, et pas plus aujourd’hui. « Les chrétiens sont altérés, édifiés » par les Écritures. Cela invite les disciples d’aujourd’hui à donner toute sa place à la découverte et la redécouverte du Premier testament ; comme le fit un certain Jésus, sur la route d’Emmaüs, avec des pèlerins décontenancés par la perte de leur héros. Israël précède les chrétiens. Que cela nous aide à sortir vraiment de vingt siècles de fermeture à l’autre, au juif en particulier. Le pasteur allemand Bonhoeffer, tué sur ordre d’Hitler, écrivait peu avant sa mort : « Seul celui qui crie avec les Juifs, peut chanter du grégorien ».

Précédés par l’histoire d’Israël, les chrétiens le sont aussi par les civilisations qui jaillissent dans l’univers. Les mages, des étrangers, sont bien présents dès la naissance de Jésus. Celui-ci dut se réfugier au loin, à l’étranger, en Égypte peu après sa naissance. Que cela nous incite à prendre au sérieux la connaissance des pensées étrangères. L’auteure plonge dans ce monde sécularisé et tellement diversifié. Il convient, de contextualiser les risques et les opportunités que représente l’accueil de l’autre dans un monde areligieux ; mais « non abandonné par Dieu », ajoute rapidement Anne-Marie Pelletier. Elle s’interroge, alors, sur le rôle particulier des chrétiens dans un monde valorisant le primat de l’autonomie de la personne et témoignant également de la recherche d’une « main tendue ». Ce faisant, le livre rejoint, involontairement, la pensée du pape Léon XIV qui, dès son premier message, s’adressa à tous.
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